Discussion sur les croyances religieuses, port d’un signe religieux… quels sont les droits des salariés dans le milieu professionnel et quelles sont les limites que peut fixer l’employeur ?

illustration fait religieux
La gestion du fait religieux en entreprise est un sujet qui suscite de nombreuses interrogations auxquelles employeurs et salariés sont confrontés de plus en plus régulièrement.

Récemment, la Haute juridiction a rappelé qu’en l’absence de clause de neutralité dans le règlement intérieur, l’interdiction faite à une salariée de porter un foulard islamique, fondée sur l’image de l’entreprise, caractérisait l’existence d’une discrimination directement fondée sur les convictions religieuses de l’intéressée, de sorte que le licenciement fondé sur le refus de celle-ci de retirer son foulard lorsqu’elle était en contact avec la clientèle devait être annulé

Cass. soc., 14 avril 2021, 19-24.079

Le fait religieux en entreprise crée en effet une situation sensible dont la gestion nécessite de concilier la liberté religieuse et la manifestation des convictions religieuses des salariés (I), avec le pouvoir de direction de l’employeur et ses différentes obligations (II). Pour anticiper certaines situations, l’employeur peut donc mettre en place un principe de neutralité au sein de son entreprise (III).

La liberté religieuse des salariés

Associée à la liberté de conscience, la liberté de religion est une liberté fondamentale de croire ou non en une religion, de pratiquer ou non une religion ou encore d’en changer.

Dans un cadre professionnel, le salarié conserve cette liberté de religion. L’employeur ne doit donc opérer aucune distinction entre les salariés qui reposerait sur des convictions religieuses, que ce soit notamment lors de l’embauche ou de l’exécution du contrat de travail. Une telle décision serait dans le cas contraire discriminatoire puisque fondée sur un motif illicite.

Au-delà de leur liberté de religion, les salariés conservent également au sein de l’entreprise privée une liberté de manifestation de leurs éventuelles convictions religieuses ou à l’inverse de leur non-croyance.

Il convient ici de rappeler que cette liberté d’expression ne doit évidemment pas donner lieu à des abus. Ainsi, l’employeur peut sanctionner le salarié qui s’adonne à des pratiques prosélytes au sein de l’entreprise.

En dehors de toute considération d’abus de liberté du salarié, il existe au sein de l’entreprise des situations, par nature sensibles, où l’employeur doit gérer un fait religieux, issu d’une manifestation des convictions religieuses d’un salarié, tout en y conciliant son pouvoir de direction et ses différentes obligations.

La gestion du fait religieux en entreprise par l’employeur

Les libertés individuelles du salarié, notamment en matière de religion, sont garanties par le Code du travail.

Néanmoins, l’exercice de cette liberté ne doit pas entraver la bonne exécution du contrat de travail. Autrement dit, si un salarié refuse de respecter des directives ou d’effectuer certaines des tâches qui lui incombent dans le cadre de sa fonction, ce refus est constitutif d’une faute que l’employeur peut sanctionner.

Par ailleurs, l’employeur peut également apporter des restrictions à cette liberté dès lors qu’elles sont à la fois justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché.

Ainsi, un employeur peut tout à fait restreindre la liberté de manifestation de la religion pour des raisons de santé, d’hygiène ou de sécurité.

Par exemple, est justifié le licenciement d’une infirmière pour avoir porté un signe religieux distinctif alors que le code vestimentaire de l’hôpital interdisait le port de bijoux, religieux ou non, pour des raisons d’hygiène et de sécurité.

Lorsque l’employeur décide de restreindre certaines manifestations des convictions religieuses de ses salariés, celui-ci doit néanmoins veiller à ce que cette restriction soit justifiée et proportionnée de manière totalement objective et générale.

Ainsi, sauf à ce qu’un principe de neutralité soit imposé par le règlement intérieur et que l’employeur puisse démontrer de manière objective d’un impératif sécuritaire, un employeur, dont l’activité est exercée au Yémen, ne peut pas licencier un salarié portant la barbe aux motifs que le port de la barbe serait de nature à témoigner d’une conviction religieuse et politique et que cela serait de nature à causer un risque pour la sécurité des autres salariés et des clients.

De même, en l’absence de clause de neutralité, un employeur ne peut pas sanctionner une salariée portant le voile au motif qu’un client ne souhaite pas traiter avec elle en raison de ses convictions religieuses.

Pour gérer ce type de situation, l’employeur peut prévoir en amont une clause de neutralité dans le règlement intérieur.

Le principe de neutralité

L’article L.1321-2-1 du Code du travail donne la faculté aux entreprises privées de prévoir dans leur règlement intérieur des dispositions imposant une neutralité au sein de l’entreprise.

Une telle clause permet ainsi à l’employeur de restreindre l’expression des convictions personnelles des salariés, et notamment des convictions religieuses.

La liberté notamment religieuse demeurant la règle au sein des entreprises privées, l’instauration d’une clause de neutralité dans le règlement intérieur doit par ailleurs, pour être licite :

Être justifiée par la nature de la tâche à accomplir

La mise en place d’une telle clause dans le règlement intérieur peut ainsi être justifiée par des impératifs en matière de sécurité ou d’hygiène, ou encore par les nécessités de l’activité de l’entreprise, notamment en cas de contact avec la clientèle ou de contact avec de jeunes enfants.

Être proportionnée au but recherché

Pour être proportionnée, la clause ne doit s’appliquer qu’à l’égard des salariés placés dans une situation nécessitant le respect d’une neutralité sur leur lieu de travail. Par exemple, les salariés qui ne sont pas en contact avec la clientèle ne doivent pas être concernés par une clause de neutralité qui serait justifiée par un contact avec la clientèle.

L’employeur doit veiller à ce que les salariés aient dument été informés de l’existence de cette clause qui doit en outre être générale, c’est-à-dire concerner l’ensemble des convictions, qu’elles soient politiques, philosophiques ou religieuses, sans distinction.

En cas de refus d’un salarié de se conformer au principe de neutralité mis en place, l’employeur doit, avant de sanctionner le salarié, tenter de rechercher un poste pour lequel le salarié ne serait pas concerné par la clause de neutralité.

Enfin, le principe de neutralité doit être appliqué au sein de l’entreprise avec cohérence. Ainsi, l’employeur ne devra pas avoir fait preuve d’une tolérance quant à l’affichage de signes religieux pour soudainement faire preuve de zèle.

Le cabinet Arst Avocats vous accompagne pour toute question ou pour toute mise en place d’une clause de neutralité dans votre règlement intérieur.

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