Lettre d’information 1er trimestre 2018 – Droit des Affaires – avril 2018
Sommaire
Jurisprudence
Contrats – droit commercial
- Survie des clauses limitatives de responsabilité en cas de résolution du contrat
- Conformité des clauses du contrat de franchise au droit de la concurrence
- Conséquences de l’inexactitude du chiffre d’affaires dans l’acte de cession de fonds de commerce
Baux commerciaux
- Quel est le contenu de l’indemnité d’éviction ?
- Exceptions au plafonnement des loyers en cas de renouvellement
- La nullité du contrat de location-gérance entraîne la déchéance du droit à renouvellement du contrat de bail commercial
Droit des sociétés
- Un pacte d’actionnaires est résiliable à tout moment si aucun terme n’est prévu
- Un contrat peut être résilié par le directeur salarié pour le compte de la société, en l’absence même de délégation de pouvoir, si la société ratifie tacitement la décision de résiliation
- EIRL et les règles d’affectation de patrimoine : Prudence
- Transfert intracommunautaire du siège social d’une société et liberté d’établissement
- Le défaut de reprise des actes accomplis pour le compte d’une société en formation ne peut être relevé d’office par les juges du fonds
- Le principe d’intangibilité de l’ordre du jour
- Survie de la délégation de pouvoirs après la cessation des fonctions du dirigeant l’ayant consentie
- Aucun recours n’est possible contre l’application de l’article1843-4 du Code civil en matière de cession d’actions
- Le défaut de reconstitution effective des fonds propres et la faute de gestion
- Les conséquences d’un acte accompli en contrariété à l’intérêt social
- Opposabilité de la limitation de pouvoir du dirigeant
Contrats – droit commercial
Survie des clauses limitatives de responsabilité en cas de résolution du contrat
Com. 7 février 2018 (n°16-20.352) FS-P+B+I :
La résolution du contrat emporte l’anéantissement rétroactif du contrat.
C’est sur ce fondement que les juges du fonds ont considéré que la partie responsable du dommage ne pouvait plus se prévaloir de la clause limitant sa responsabilité contractuelle. Ce qui avait été approuvé par la Cour d’appel.
La Cour de cassation considère que les clauses limitatives de responsabilité contractuelle demeure applicable même en cas de résolution contrat.
Conformité des clauses du contrat de franchise au droit de la concurrence
Cass. Com 20 décembre 2017 (n°16-20.500) :
Les clauses d’approvisionnement exclusif d’un contrat de franchise, sont-elles contraires au droit de la concurrence ?
La cour de cassation rappelle que les clauses qui organisent le contrôle indispensable à la préservation de l’identité et de la préservation de la réputation du réseau ne constituent pas des restrictions de concurrence.
Plus précisément si une clause d’approvisionnement exclusif est nécessaire pour que chaque franchisé dispose d’une uniformité de qualité, de goût des produits fabriqués par un fournisseur en particulier selon un procédé qui lui est propre, elle est, dès lors nécessaire à l’image et l’identité du réseau.
Cass. com 8 juin 2017, n° 15-27.146, n° 843 F-D
Rappelons également que pour qu’une clause de non ré-affiliation du franchisé après la fin du contrat soit valide, celle-ci doit être limitée dans son objet et dans l’espace.
En l’espèce, la clause de non ré-affiliation n’étant pas limitée géographiquement, la Cour de cassation a approuvé l’arrêt de la Cour d’appel ayant considéré celle-ci comme non valide.
Conséquences de l’inexactitude du chiffre d’affaires dans l’acte de cession de fonds de commerce
Cass. com., 21 mars 2018, n° 16-24.245, n° 240 F-D
En cas d’inexactitude des mentions figurant dans l’acte de vente du fonds de commerce, l’acquéreur dispose d’un an pour actionner l’action en garantie, à compter de la date de possession du fonds de commerce.
Baux commerciaux
Quel est le contenu de l’indemnité d’éviction ?
Cass. 3ème civ. 7 décembre 2017 (n°15-12.452, 15-12.578 et 15-12.912) F-D :
Le bailleur a signifié au preneur un congé avec refus de renouvellement et offre d’indemnité d’éviction prenant effet 9 mois après ce congé.
Durant cette période le preneur cède son fonds de commerce et informe le cessionnaire de ce que le bail arrive à son terme.
La question se posait alors de savoir si pour déterminer le montant de l’indemnité d’éviction, il convenait de prendre en compte, en plus de la valeur marchande du fonds augmentée des frais annexes (tels que les frais de déménagement, de réinstallation, des droits de mutation pour acquérir un nouveau fonds), la réparation du trouble commercial.
Il est généralement admis qu’une indemnité pour trouble commercial, destinée à réparer le préjudice subi par le commerçant à l’occasion du rachat du fonds, est comprise dans l’indemnité d’éviction.
La cour d’appel avait considéré que le cessionnaire du fonds ayant connaissance du congé donné par le bailleur, il ne pouvait prétendre à un indemnisation du trouble commercial.
La Cour de cassation a censuré cette décision considérant que l’indemnité d’éviction doit nécessairement comprendre l’indemnisation du trouble commercial.
Exceptions au plafonnement des loyers en cas de renouvellement
Cass. 3e civ., 15 févr. 2018, n° 17-11866, n° 17-11.867, n° 170 FS-P + B + I
Le principe : plafonnement des loyers en cas de renouvellement du bail commercial.
Il existe cependant certaines exceptions prévues par le Code de commerce et notamment en cas de modification :
- des caractéristiques du local considéré ;
- de la destination des lieux ;
- des facteurs locaux de commercialité ;
- mais aussi des obligations respectives des parties.
La modification conventionnelle du loyer constitue une modification notable des obligations des parties justifiant à elle seule le déplafonnement du loyer.
En l’espèce, les parties ont convenu, par avenant, de modifier le loyer du bail en cours et de renoncer à une procédure en révision du loyer à la valeur locative en cours de bail dans le cadre d’une action en révision fondée sur l’article L. 145-39, qui avait été engagée.
L’avenant constituant une modification conventionnelle du bail, elle caractérise la renonciation implicite du preneur à la règle du plafonnement.
La nullité du contrat de location-gérance entraîne la déchéance du droit à renouvellement du contrat de bail commercial.
Cass. 3e civ., 22 mars 2018, n° 17-15.830, n° 284 F- P + B
Le preneur d’un bail commercial donne son fonds de commerce en location-gérance sans avoir exploité son fonds de commerce pendant deux ans avant la conclusion dudit contrat alors même qu’il s’agit d’une condition prévue à l’article L.144-3 du Code de commerce.
Le bailleur donne congé au preneur avec refus de renouvellement et Sans indemnité d’éviction sur le motif de la nullité du contrat de location-gérance.
La Cour de cassation juge que la sanction d’un contrat de location-gérance conclu en violation des conditions de l’article L. 144-3 étant la nullité absolue, celle-ci a pour conséquence la déchéance du droit à renouvellement du bail commercial prévu à l’article L. 144-10 du code de commerce.
Droit des sociétés
Un pacte d’actionnaires est résiliable à tout moment si aucun terme n’est prévu
Cass, Com, 20 décembre 2017, n°16-22.099
La solution retenue par la Cour d’appel de Paris, puis reprise par la chambre commerciale et financière et économique de la Cour de cassation le 20 décembre dernier, rappelle de manière très pédagogique, que dès lors qu’un pacte d’actionnaires ne mentionne aucune limitation de durée et ne comporte aucun terme déterminé ni déterminable, ledit pacte peut être résilié unilatéralement à tout moment.
Un contrat peut être résilié par le directeur salarié pour le compte de la société en l’absence même de délégation de pouvoir si la société ratifie tacitement la décision de résiliation
Cass. com. 17-1-2018 n 16-22.285
La chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, a écarté dans un arrêt rendu le 17 janvier 2018, l’argument qui avait été avancé par le partenaire commercial de la société qui s’étant vu opposé la résiliation d’un protocole de courtage avait assigné la société en annulation de ladite résiliation aux motifs que le directeur salarié ne disposait pas d’une délégation de pouvoir.
La Cour considère que la société ayant ratifié tacitement la décision de résiliation prise pour son compte par le directeur salarié, il n’y avait donc pas à rechercher si ce dernier avait reçu pouvoir pour procéder à la résiliation dudit contrat.
EIRL et les règles d’affectation de patrimoine : Prudence
Cass, Com, 7 février 2018, n°16-24.481
L’intérêt de cet arrêt rendu par la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation le 7 février 2018 est notamment de rappeler que conformément aux dispositions de l’article L.526-6 du Code de commerce, l’entrepreneur individuel à responsabilité limitée peut affecter à son activité professionnelle un patrimoine séparé de son patrimoine personnel. La constitution de ce patrimoine résulte notamment du dépôt à un registre de publicité légale et d’une déclaration devant notamment comporter un état descriptif des biens, droits, obligations ou sûretés à l’activité professionnelle, en nature, qualité, quantité et valeur (articles L526-7 et L.526-8 du Code de commerce).
En l’absence d’une telle déclaration ou en cas de dépôt d’une déclaration incomplète, dans l’hypothèse où l’entrepreneur individuel à responsabilité limitée est notamment placé en liquidation judiciaire, la confusion des patrimoines pourrait être opérée de sorte que ce dernier soit redevable des dettes contractées pendant l’exercice de son activité sur son patrimoine personnel.
La plus grande prudence est donc de mise.
Transfert intracommunautaire du siège social d’une société
CJUE, 25 octobre 2017, aff C-106/16 Polbud – Wykonawstwo sp. z o.o
La Cour de justice de l’Union européenne considère que la réglementation des états membres ne saurait imposer une quelconque obligation de liquidation aux sociétés qui souhaitent procéder au transfert de leur siège statutaire dans un autre État membre.
En outre, le transfert du siège statutaire d’une société sans déplacement de son siège réel relève de la liberté d’établissement.
Le défaut de reprise des actes accomplis pour le compte d’une société en formation ne peut être relevé d’office par les juges du fonds
Cass. 3e civ., 25 janv. 2018, n° 17-10.885, n° 44 F-D
Rappel : Les actes accomplis pour le compte d’une société en formation peuvent être requis par l’annexion aux statuts d’un état des engagements, soit en donnant mandat à l’un des associés de prendre des engagements pour le compte de la société, soit par décision prise, sauf clause contraire, à la majorité des associés.
En l’espèce, un contrat d’architecte a été conclu entre un client personne physique et un architecte. Cette personne physique a constitué une SCI. Compte tenu de certains manquements contractuels, la SCI assigne l’architecte et son assureur en indemnisation.
La cour d’appel juge l’action de la SCI irrecevable non pas en raison du défaut de lien contractuel invoqué par l’assureur mais du fait de l’absence, relevée d’office, de reprise du contrat litigieux selon l’une des modalités de reprise des engagements prévues par la réglementation applicable.
La Cour de cassation censure la décision des juges du fond considérant qu’ils ne peuvent pas relever d’office le moyen d’absence de reprise des actes par la SCI sans inviter au préalable les parties à présenter leurs observations.
Le principe d’intangibilité de l’ordre du jour
Cass. com., 14 févr. 2018, n° 15-16.525, n° 131 F-P+B
L’assemblée générale d’une SARL est convoquée aux fins de procéder à la nomination de commissaires aux comptes.
La résolution correspondante est rejetée par l’associé majoritaire qui propose la nomination de commissaires aux comptes différents des premiers, laquelle nomination est alors soumise au vote. Le gérant refuse de prendre en compte le vote de la résolution modifiée.
La Cour de cassation rappelle qu’en vertu du principe de l’intangibilité de l’ordre du jour, l’assemblée générale ne peut délibérer sur un projet de résolution non inscrit à l’ordre du jour. Toute décision prise en violation de cette règle est nulle sauf dans les cas suivants :
- l’assemblée peut modifier par voie d’amendements proposés en séance, si elle ne sort pas l’ordre du jour les projets de résolution qui lui sont soumis.
- révocation des dirigeants sociaux pouvant intervenir sur simple incident de séance ou sur la base d’un ordre du jour mentionnant uniquement l’examen de la situation de la société ou l’approbation des comptes et le quitus de la gérance ;
- les questions de faible importance rattachées à la rubrique des questions diverses et les questions qui sont la conséquence nécessaire des délibérations inscrites à l’ordre du jour.
Survie de la délégation de pouvoirs après la cessation des fonctions du dirigeant l’ayant consentie
CA Paris, ch. 5-9, 25 janv. 2018, n° 17/01883
La Cour d’appel rappelle qu’en cas de changement de direction, les délégations de pouvoirs consenties par l’ancien dirigeant subsistent tant qu’elles ne sont pas révoquées par son successeur.
Aucun recours n’est possible contre l’application de l’article1843-4 du Code civil en matière de cession d’actions
Cass, Com, 14 février 2018, n°16-24790
La Cour de cassation rappelle notamment dans cet arrêt que lorsque les parties sont convenues de recourir aux dispositions de l’article 1843-4 du Code civil au fin de voir fixer le prix de cession des actions par expert, aucun recours n’est possible, ni contre l’ordonnance prise sur le fondement de ce texte, ni contre la décision l’interprétant.
Le défaut de reconstitution effective des fonds propres et la faute de gestion
Cass. com., 24 janv. 2018, n° 16-23.649, n° 43 F-D
Le gérant d’une SARL peut être condamné à supporter une partie de l’insuffisance d’actif de la société, mise en liquidation judiciaire, pour avoir commis plusieurs fautes de gestion ayant contribué à cette insuffisance.
La question était ici de savoir si le défaut de reconstitution effective de fonds propre constituait une faute de gestion.
La Cour de cassation considère que « l’absence de régularisation effective, dans le délai légal, de la situation des capitaux propres d’une SARL ne peut être imputée qu’aux associés et non aux dirigeants, auxquels il ne peut être reproché que leur abstention de convoquer les associés afin qu’ils se prononcent sur les conséquences de cette situation. ».
Les conséquences d’un acte accompli en contrariété à l’intérêt social
Cass. com. 14 févr. 2018, n° 15-24.146, n° 132 F-D
Un acte conclu au nom d’une SARL est contraire à son intérêt social dès lors qu’il compromet l’existence même de la société.
Cette contrariété à l’intérêt social n’est pas une cause de nullité si l’acte en cause entre dans l’objet social de la société.
Dans ce cas l’acte sera valide.
Opposabilité de la limitation de pouvoir du dirigeant
Cass. com., 14 févr. 2018, n° 16-21.077, n° 143 F-D
En l’espèce, les associés d’une société avaient limités les pouvoirs de la gérante dans le cadre d’une assemblée générale extraordinaire notamment en ce qui concerne les conditions dans lesquelles elle pouvait engager une action en justice au nom de la société. Pour ce faire, elle devait obtenir l’autorisation préalable des associés.
La partie adverse, pour faire annuler l’assignation qui lui avait été délivrée faisait état de la limitation des pouvoirs de la gérante, qui n’avait pas obtenu l’autorisation préalable des associés.
La Cour de cassation rappelle qu’un tiers peut se prévaloir des statuts d’une personne morale pour justifier du défaut de pouvoir d’une personne à figurer dans un litige comme le représentant de celle-ci.