Lettre d’information Janvier 2018 – Droit Social
Droit social – Arst Avocats vous présente sa lettre d’information du mois de janvier 2018 portant sur l’actualité en droit social.
ACTUALITÉ LÉGISLATIVE ET RÈGLEMENTAIRE
Nouvelle obligation – le dispositif d’alerte professionnelle
Loi n°2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique – Décret n°2017-564 du 19 avril 2017, JO 20 avril 2017.
JURISPRUDENCE
Droit social
- Non-distribution de la lettre de licenciement – quel risque ?
- Inaptitude non-professionnelle – quid du montant de l’indemnité de licenciement …
- Prise d’acte – les risques du défaut de réponse aux interrogations d’un salarié muté
- Divulgation des salaires – une faute grave constituée
- Refuser en connaissance de cause d’appliquer la bonne classification professionnelle – préjudice spécifique
Actualité législative et réglementaire
La mise en place d’une procédure de recueil des signalements émis par les lanceurs d’alerte (le dispositif d’alerte professionnelle)
Nouveauté ?
Depuis, le 1er janvier 2018, les entreprises d’au moins 50 salariés ont pour obligation d’établir une procédure pour recueillir les signalements des lanceurs d’alerte.
Comment établir la procédure de recueil des alertes ?
Au choix : par accord collectif ou décision unilatérale.
Si vous faites partie d’un groupe de sociétés, la procédure peut être établie de façon commune.
Que doit prévoir cette procédure de recueil des alertes ?
Vous devez :
Déterminer les modalités selon lesquelles l’auteur du signalement adresse son alerte et fournit les faits, informations ou documents permettant d’étayer son signalement.
Prévoir les dispositions que vous prendrez :
- pour informer sans délai votre salarié lanceur d’alerte de la réception de son signalement ainsi que du délai raisonnable nécessaire à l’examen de son signalement ;
- pour garantir la confidentialité de l’auteur du signalement, de l’objet du signalement et des éventuelles personnes visées ;
- en l’absence de suite donnée au signalement, pour détruire les éléments du dossier de signalement de nature à permettre l’identification du lanceur d’alerte et celle des personnes éventuellement visées.
Préciser l’existence d’un traitement automatisé des signalements mis en œuvre après autorisation de la CNIL (Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés)
Désigner un référent. Ce référent devra disposer de la compétence, de l’autorité et des moyens suffisants à l’exercice de ses missions. Ce peut être une personne physique ou toute entité de droit public ou de droit privée, dotée ou non de la personnalité morale.
Une fois la procédure de recueil des signalements établie, vous devez en informer vos salariés et vos collaborateurs extérieurs et occasionnels. Cette information se fait par tout moyen (notification, affichage, publication …).
Jurisprudence
Non-distribution de la lettre de licenciement par La Poste
Cass. soc. 30 novembre 2017 (n°16-22569) :
Lorsque l’employeur décide de licencier un salarié, il lui notifie sa décision par lettre recommandée avec demande d’avis de réception (Article L.1232-6 du Code du travail).
Dans l’hypothèse d’un licenciement disciplinaire, la sanction ne peut intervenir moins de deux jours ouvrables, ni plus d’un mois après le jour fixé pour l’entretien préalable (Article L.1332-2 du Code du travail).
Faute de défaut de notification écrite et motivée dans les délais prescrits, le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse (Cass. soc. 23-6-1998 n° 96-41.688).
Dans un arrêt du 30 novembre 2017, la lettre de licenciement, notifiée dans les délais par l’employeur à l’adresse exacte du salarié et à la suite de l’entretien préalable, a été retournée par la Poste à l’expéditeur avec la mention « défaut d’accès ou d’adressage. »
Le licenciement est-il valable ?
La Cour de cassation estime que l’employeur n’est pas responsable de la non-distribution de la lettre de licenciement au salarié et que ce défaut de remise ne prive pas le licenciement de cause réelle et sérieuse.
En pratique, il est recommandé de doubler l’envoi de la lettre de licenciement par un courrier remis en main propre et/ou par un envoi en lettre simple.
Inaptitude d’origine non professionnelle et calcul de l’indemnité de licenciement
Cass. soc. 22 novembre 2017 (n°16-13883) :
Dans cette affaire, un salarié victime d’un accident de trajet est déclaré inapte à son poste par le médecin du travail, puis licencié pour ce motif. Il a notamment contesté le montant de l’indemnité de licenciement qui lui a été versée, considérant que celle-ci devait être complétée en tenant en compte la durée du préavis non effectué.
Il a été fait droit à sa demande.
Cette affaire est l’occasion pour la Cour de Cassation de rappeler les dispositions applicables au calcul de l’’indemnité de licenciement en cas d’inaptitude d’origine non-professionnelle prévue par l’article L.1226-4 du Code du travail.
Ce texte, applicable depuis 2012, prévoit en effet que, dès lors que le salarié est licencié pour inaptitude d’origine non professionnelle, le préavis n’est pas exécuté et le contrat de travail est rompu à la date de notification du licenciement. Le texte précise en outre que le préavis est néanmoins pris en compte pour le calcul de l’indemnité de licenciement.
En d’autres termes, le salarié a droit à l’indemnité légale de licenciement calculée en tenant compte de la durée de préavis qu’il n’a pas été en mesure d’effectuer.
L’indemnité compensatrice de préavis en revanche, n’est pas due.
Naturellement, ce dispositif ne s’applique qu’à défaut de dispositions conventionnelles plus favorables.
Rappelons également que dans une telle situation, le salaire de référence à prendre en compte pour le calcul de l’indemnité légale ou conventionnelle de licenciement est, selon la formule la plus avantageuse pour le salarié, celui des douze ou des trois derniers mois précédant l’arrêt de travail (Cass. soc. 23 mai 2017 n° 15-22.223).
L’objectif de ces solutions est de pallier les baisses de rémunération liées aux absences pour maladie afin de ne pas désavantager le salarié lors du calcul des indemnités de rupture.
Prise d’acte et modification du périmètre et de la nature des missions d’un salarié
Cass. soc. 6 décembre 2017 (n°16-22019) :
Cet arrêt est une invitation à être attentif aux interrogations des salariés confrontés à une mutation dont ils ignorent les conséquences sur leur fonction et leur devenir professionnelle.
La Cour d’appel, dont la position a été confirmée par la Cour de cassation, a en effet requalifié une prise d’acte en licenciement sans cause réelle et sérieuse en reprochant à l’employeur d’avoir laissé « dans l’expectative » un salarié ayant fait l’objet d’une mutation et qui a interrogé, en vain, son employeur sur l’évolution de sa fonction suite à cette mutation.
En l’occurrence, un salarié du groupe Findus a été muté au sein d’une nouvelle agence dans le cadre d’un transfert d’activité du site sur lequel il était affecté vers un autre site. Dans le cadre de ce transfert, le salarié a interrogé, par courrier, son employeur sur le devenir de ses fonctions au sein de la nouvelle agence, courrier auquel l’employeur n’a pas répondu.
La Cour d’appel a considéré que l’employeur a commis un manquement suffisamment grave justifiant la prise d’acte du salarié au motif qu’elle aurait laissé dans « l’expectative le salarié sur le périmètre et la nature de ses missions » au sein de la nouvelle agence.
La Cour de cassation a validé cette position, en retenant : « Attendu, ensuite, qu’appréciant souverainement les éléments de fait et de preuve, la cour d’appel a constaté que l’employeur, dans une période où des changements étaient en cours dans l’entreprise, avait gravement manqué à ses obligations en laissant le salarié dans l’expectative sur la nature et le périmètre de ses missions, sans apporter aucune réponse concrète à ses demandes légitimes, et a pu en déduire que ces manquements étaient de nature à empêcher la poursuite du contrat de travail. »
Dans une période de restructuration qui peut générer de l’inquiétude et de l’interrogation chez les salariés, lorsque celles-ci s’expriment de façon formelle dans un courrier, l’employeur se doit, selon la Cour de cassation, d’y répondre.
Divulguer des salaires à certains salariés peut justifier un licenciement pour faute grave
Cass. soc. 22 novembre 2017 (n°16-24069) :
Dans cet arrêt du 22 novembre 2017, la Cour de cassation rappelle qu’un licenciement pour faute grave peut être notifié au salarié même en l’absence d’antécédent disciplinaire.
En l’espèce, la salariée, responsable administrative, a été licenciée pour faute grave pour avoir divulgué à un salarié, des informations considérées comme confidentielles par son employeur, à savoir les montants des salaires perçus par certains de ses collègues de travail.
Au soutien de la contestation de son licenciement, la salariée faisait notamment valoir qu’elle n’avait aucun antécédent disciplinaire, argument que la Cour d’appel a jugé insuffisant au vu de la gravité de faute commise.
Saisie de la contestation du bien-fondé du licenciement pour faute grave notifiée à la salariée, la Cour de cassation a confirmé l’arrêt rendu par la Cour d’appel au motif que :
« Mais attendu que la cour d’appel qui a constaté que la salariée avait divulgué à un salarié le montant des salaires perçus par certains de ses collègues, manquant ainsi aux règles de confidentialité lui incombant au regard des fonctions exercées et étant de nature à créer des difficultés au sein de l’entreprise, a pu en déduire que ce manquement constituait une faute grave rendant impossible son maintien dans l’entreprise ; que le moyen n’est pas fondé ».
La faute grave est ici justifiée par le fait que la salariée a manqué à l’obligation de confidentialité inhérente à sa fonction, méconnaissance qui était de nature à créer des troubles dans l’entreprise.
Divulguer des salaires à certains salariés peut justifier un licenciement pour faute grave
Cass. soc. 23 novembre 2017 (n°16-13429) :
Dans cet arrêt du 23 novembre 2017, la Cour de cassation a considéré que le fait pour l’employeur de ne pas appliquer au salarié sa classification exacte cause à celui-ci un préjudice distinct de celui relatif au retard de paiement des salaires et congés payés et ouvre droit à une indemnisation à ce titre.
En l’espèce, un salarié revendiquait l’application d’une classification « cadre » qui lui a été accordée par les juges du fond. L’intérêt de cet arrêt réside dans le fait que ces derniers ont également condamné l’employeur à lui verser des dommages-intérêts en reconnaissant un préjudice spécifique à ce titre.
L’employeur, contestant le bien-fondé de cette condamnation à devoir payer de tels dommages-intérêts, a saisi la Cour de cassation en faisant notamment valoir que la preuve d’un préjudice indépendant du retard dans le paiement n’était pas rapportée par le salarié.
La Cour de cassation a rejeté le pourvoi formé et confirmé l’arrêt attaqué, en motivant sa décision par la mauvaise foi caractérisée de l’employeur :
« Mais attendu qu’ayant, par motifs propres et adoptés, constaté que l’employeur avait longtemps tardé à appliquer les recommandations de l’inspecteur du travail, sans toutefois compenser ce retard, et s’était longtemps refusé à prendre en compte la classification réelle du salarié, la cour d’appel a fait ressortir l’existence d’un préjudice indépendant du retard apporté au paiement des salaires et congés payés par l’employeur, causé par la mauvaise foi de celui-ci que le moyen n’est pas fondé ».
Pour la Haute juridiction, le préjudice distinct est caractérisé par l’attitude de l’employeur, qui en dépit d’une intervention de l’inspection du travail, a de mauvaise foi et pendant une durée conséquente, persisté dans sa volonté de ne pas régulariser la situation du salarié.