La loi n° 2014-626 du 18 juin 2014 relative à l’artisanat, au commerce et aux très petites entreprises, dite « loi Pinel » est venue modifier la clé de répartition des charges entre le bailleur et le locataire. Ces nouvelles dispositions viennent d’être précisées par le décret n° 2014-1317 du 3 novembre 2014 relatif au bail commercial (JO 5 novembre 2014 p. 18638) qui introduit dans le Code de commerce les articles R 145-35 à R 145-37.
Le nouveau dispositif s’applique aux baux conclus et renouvelés à compter du 5 novembre 2014.
I. Rappels
Avant l’adoption de la loi Pinel, le Code de commerce ne contenait aucune disposition régissant spécifiquement la répartition des charges entre le bailleur et le locataire. La matière était donc régie par renvoi aux dispositions du Code civil, elles-mêmes peu éclairantes, et surtout par la convention des parties.
Il était en effet admis que les parties avaient toute liberté pour convenir de la définition et de la répartition des charges.
La jurisprudence validait ainsi les « clauses exorbitantes de droit commun » mettant à la charge du locataire :
- de la totalité de l’impôt foncier ;
- des « grosses » réparations visées par l’article 606 du Code civil ;
- des travaux de mise en conformité des locaux ;
- des travaux rendus nécessaires pour cause de vétusté des locaux ;
- de toutes les charges de copropriété, sans exception.
Dans le fil de cette jurisprudence, de nombreux baux contiennent des clauses stipulant un loyer « net de charges » qui tendent à faire supporter par le locataire l’ensemble des charges qui, à défaut de précision, devraient être assumées par le bailleur.
Ces clauses témoignent de la position de force des bailleurs dans la négociation contractuelle. Le législateur a entendu lutter contre les excès nés de cette situation.
II. Nouveau dispositif
A. Répartition des charges
1. Principe : inventaire précis et limitatif des charges
Le principe posé par la loi nouvelle est celui de la stipulation dans le bail d’un inventaire précis et limitatif des catégories de charges, impôts et redevances liés à ce bail et de leur répartition entre le bailleur et le locataire (C. com. article L 145-40-2, al. 1).
Il est également précisé que dans les ensembles immobiliers comportant plusieurs locataires (dont notamment les copropriétés), le contrat de location doit préciser la répartition des charges ou du coût des travaux entre les différents locataires occupant cet ensemble. Cette répartition est fonction de la surface exploitée. Le montant des impôts, taxes et redevances pouvant être imputés au locataire correspond strictement au local occupé par chaque locataire et à la quote-part des parties communes nécessaires à l’exploitation de la chose louée (C. com. article L 145-40-2, al. 3).
La loi renvoie également à un décret en Conseil d’Etat pour la définition des charges, impôts, taxes et redevances qui, en raison de leur nature, ne peuvent être imputés au locataire.
2. Applications
Ce décret, très attendu, a été adopté le 3 novembre dernier. Il crée un nouvel article R 145-35 au sein du Code de commerce aux termes duquel ne peuvent être imputés au locataire :
1° Les dépenses relatives aux grosses réparations mentionnées à l’article 606 du code civil ainsi que, le cas échéant, les honoraires liés à la réalisation de ces travaux ;
Il est rappelé que les grosses réparations visées par ce texte sont celles des gros murs et des voûtes, le rétablissement des poutres et des couvertures entières celui des digues et des murs de soutènement et de clôturé aussi en entier. La jurisprudence adopte cependant une définition plus large : les grosses réparations intéressent l’immeuble dans sa structure et sa solidité générale alors que les travaux d’entretien sont ceux qui sont utiles au maintien permanent en bon état de l’immeuble (Cass. 3ème civ. 13 juillet 2005 n° 04-13764 – FS-PB).
2° Les dépenses relatives aux travaux ayant pour objet de remédier à la vétusté ou de mettre en conformité avec la réglementation le bien loué ou l’immeuble dans lequel il se trouve, dès lors qu’ils relèvent des grosses réparations mentionnées à l’alinéa précédent ;
Il est traditionnellement admis que les travaux de mise en conformité et ceux relevant de la vétusté devaient, faute de stipulation contraire, être supportés par le bailleur. On peut néanmoins s’interroger sur la portée de la disposition puisque l’interdiction ne s’applique que dans la mesure où les travaux relèvent des grosses réparations. Elle apparaît ainsi redondante avec le 1°.
3° Les impôts, notamment la contribution économique territoriale, taxes et redevances dont le redevable légal est le bailleur ou le propriétaire du local ou de l’immeuble ; toutefois, peuvent être imputés au locataire la taxe foncière et les taxes additionnelles à la taxe foncière ainsi que les impôts, taxes et redevances liés à l’usage du local ou de l’immeuble ou à un service dont le locataire bénéficie directement ou indirectement ;
La rédaction de la loi Pinel avait suscité l’espoir chez les locataires de voir définitivement supprimée la faculté de se voir répercuter la taxe foncière et autres taxes liées à l’usage du bien, dont notamment la TEOM (taxe d’enlèvement des ordures ménagères). Ils seront déçus. L’exception ouverte expressément pour la taxe foncière, ses taxes additionnelles et autres taxes liées à l’usage des locaux aboutit en effet à renverser en pratique le principe posé par le texte.
4° Les honoraires du bailleur liés à la gestion des loyers du local ou de l’immeuble faisant l’objet du bail ;
La disposition vise les sociétés foncières et bailleurs de centres commerciaux qui répercutaient systématiquement les frais de gestion sur les locataires.
5° Dans un ensemble immobilier, les charges, impôts, taxes, redevances et le coût des travaux relatifs à des locaux vacants ou imputables à d’autres locataires.
La répartition entre les locataires des charges, des impôts, taxes et redevances et du coût des travaux relatifs à l’ensemble immobilier peut être conventionnellement pondérée. Ces pondérations sont portées à la connaissance des locataires.
Cette faculté de pondération conventionnelle semble aller à l’encontre du texte même de l’article L 145-40-2, alinéa 3 du Code de commerce prévoyant que le montant des impôts, taxes et redevances pouvant être imputés au locataire correspond strictement au local occupé par chaque locataire et à la quote-part des parties communes nécessaires à l’exploitation de la chose louée.
Ne sont pas comprises dans les dépenses mentionnées aux 1° et 2° celles se rapportant à des travaux d’embellissement dont le montant excède le coût du remplacement à l’identique.
B. Information relative aux charges
1. A la conclusion du contrat
L’inventaire précis et limitatif des charges, impôts et taxes et leur répartition entre le bailleur et le locataire doit être stipulé dans le contrat.
En outre, le bailleur communique à chaque locataire :
- Un état prévisionnel des travaux qu’il envisage de réaliser dans les trois années suivantes, assorti d’un budget prévisionnel ;
- Un état récapitulatif des travaux qu’il a réalisés dans les trois années précédentes, précisant leur coût.
2. En cours de bail
- chaque année :
- tous les trois ans :
- Un état prévisionnel des travaux qu’il envisage de réaliser dans les trois années suivantes, assorti d’un budget prévisionnel ;
- Un état récapitulatif des travaux qu’il a réalisés dans les trois années précédentes, précisant leur coût (C. com. art. L 145-40-2).
Ces informations sont communiquées dans le délai de 2 mois à compter de chaque échéance triennale.
- dès que possible : une information sur des charges, impôts, taxes et redevances nouveaux (C. com. art. L 145-40-2).