Aux termes du cinquième alinéa de l’article L.442-6 du Code de commerce, engage la responsabilité de son auteur et l’oblige à réparer le préjudice causé le fait « de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels».
La durée du préavis à respecter en cas de rupture d’une relation commerciale établie est à déterminer en fonction de la durée de cette relation. La durée d’une relation commerciale entre deux personnes morales ou physiques soumises aux dispositions précitées n’est pas nécessairement la durée du contrat conclu entre elles. Si dans un premier temps la Cour de cassation considérait que la durée d’une relation commerciale ne pouvait être déterminée au-delà de la relation existant entre les parties initiales qui avaient effectivement entretenue cette relation, il semble en être autrement à présent.
En effet, depuis quelques années la chambre commerciale de la Cour de cassation a, pour déterminer la durée d’une relation commerciale, considéré que, dans certains cas, il convenait de prendre en considération toute la durée de la relation alors même que plusieurs partenaires commerciaux s’étaient succédé. Ce fût notamment le cas lorsqu’une filiale française d’un groupe international avait repris les relations commerciales qu’un distributeur entretenait avec la filiale marocaine du même groupe. La Cour de cassation, a dans pareil cas estimé que cette reprise des relations commerciales, témoignait de la volonté des parties de s’inscrire dans la continuité des relations antérieures (cass. com. 25 septembre 2012, n°11-24.301).
Toute décision susceptible d’apporter des précisions quant à l’appréciation de la durée des relations commerciales établies est dès lors importante.
Par un arrêt rendu le 15 septembre dernier par la chambre commerciale de la Cour de cassation (cas. com. 15 septembre 2015, n° 14-17.964) celle-ci s’est prononcée sur cette question.
Dans cette espèce, une société avait cédé son fonds de commerce à une autre société après lui avoir donné en location-gérance pendant cinq (5) mois. La société cédante entretenait jusqu’à la cession une relation commerciale établie avec un prestataire de transport, qui a été poursuivie par la société cessionnaire pendant la durée de la location-gérance. Quinze jours après la réalisation de la cession du fonds de commerce, la société cessionnaire a notifié audit prestataire son intention de ne pas poursuivre la relation commerciale initialement nouée avec la société cédante.
Le prestataire de services de transport a assigné la société cessionnaire en paiement de dommages et intérêts pour rupture brutale de relation commerciale établie, en se prévalant de ce que pour déterminer la durée du préavis à respecter, la durée de la relation commerciale depuis son origine, entre les parties initiales, devait être prise en considération.
La Cour de cassation a rejeté le pourvoi du prestataire de service de transport considérant que, d’une part, la cession de fonds de commerce n’a pas pour effet de substituer de plein droit le cessionnaire au cédant dans les relations contractuelles et commerciales que cette société entretenait avec la société de transport ; et que d’autre part le fait que la société cessionnaire ait entretenu pendant la durée de la location-gérance une relation commerciale ne suffisait pas à démontrer que cette société ait eu l’intention de poursuivre la relation commerciale initialement nouée entre la société cédante et la société de transport.
La décision de la Cour de cassation apparaît judicieuse pour deux raisons. La première est que la cession d’un fonds de commerce n’entraine pas la cession automatique des contrats conclus par le cédant. La seconde réside dans la théorie de l’effet relatif des conventions selon laquelle la société cessionnaire ne peut être tenue de poursuivre la relation engagée par la société cédante sauf si elle a expressément témoigné sa volonté de continuer cette relation. Il aurait été contraire à cette règle que la société cessionnaire subisse les conséquences d’une relation commerciale entretenue par la société cédante.