Lettre d’information n° 29 – Droit des affaires – Janvier 2016

Sommaire

ACTUALITÉ LÉGISLATIVE ET RÈGLEMENTAIRE

  • Sociétés anonymes : réduction du nombre minimum d’actionnaires – Ordonnance du 10 septembre 2015
  • Médiation des litiges de consommation – Ordonnance du 20 août 2015
  • Délais de paiement entre professionnels

JURISPRUDENCE

  • Entreprises en difficulté

Droits du débiteur

Droit propre d’exercer les voies de recours

  • Contrats

Nullité

Impossibilité de restitution

Clause pénale

Qualification d’une astreinte conventionnelle en clause pénale – Office du juge –

Indivisibilité

Nullité du contrat de prêt consécutive à l’annulation du contrat principal

  • Sociétés

Société civile immobilière

Conditions de participation aux décisions

Abus de majorité

Actualité législative et règlementaire

Sociétés anonymes : réduction du nombre d’actionnaires minimum

La loi de simplification de la vie des entreprises a habilité le gouvernement à prendre par voie d’ordonnance des mesures permettant de diminuer le nombre minimal d’actionnaires dans les sociétés anonymes non cotées et d’adapter en conséquence les règles d’administration, de fonctionnement et de contrôle de ces sociétés, sans remettre en cause les compétences et les règles de composition, d’organisation et de fonctionnement de leurs organes.

Par l’effet de l’ordonnance n° 2015-1127 du 10 septembre 2015 entrée en vigueur le 12, le nombre minimal d’actionnaire dans les sociétés anonymes non cotées est réduit à deux au lieu de sept (art. L.225-1 du Code de commerce). L’exigence d’un minimum de sept actionnaires demeure donc pour les seules sociétés cotées. L’ordonnance tire par ailleurs, les conséquences de cette nouvelle règle et modifie l’article L.225-247 du Code de commerce relatif à la dissolution des sociétés anonymes lorsque le nombre d’actionnaires est réduit à moins de sept depuis plus d’un an.

Enfin, contrairement aux termes de l’habilitation, le rapport au président de la République précise que le gouvernement a choisi de ne pas modifier les règles d’administration, de fonctionnement et de contrôle de ces sociétés.

Médiation des litiges de consommation

L’ordonnance n°2015-1033 du 20 août 2015 transpose en droit français la directive 2013/11/UE relative au règlement extrajudiciaire des litiges de consommation. Un nouveau titre, intitulé « médiation des litiges de la consommation » est ainsi ajouté au livre 1er du Code de la consommation.

Champ d’application

Cette ordonnance a vocation à s’appliquer à tous les litiges opposant un consommateur à un professionnel y compris les litiges transfrontaliers (Art. L.156-4 du Code de la consommation). Sont toutefois exclus, les litiges concernant un service d’intérêt général non économique, les services de santé fournis par des professionnels de santé pour évaluer, maintenir ou rétablir l’état de santé du patient ainsi que les prestataires publics de l’enseignement supérieur (Art. L.151-4 du Code de la consommation).

Obligations des professionnels

Les professionnels doivent garantir au consommateur un recours effectif à un dispositif gratuit de médiation (Art. L.152-1 du Code de la consommation). Il est néanmoins interdit au professionnel d’imposer le recours à une médiation préalable à la saisine du juge (Art. L.152-4 du Code de la consommation).

Les professionnels doivent communiquer aux consommateurs, les coordonnées du ou des médiateurs compétents y compris lorsque le litige n’a pas pu être réglé dans le cadre d’une réclamation. Le professionnel peut mettre en place son propre dispositif de médiation ou recourir à un médiateur répondant à certaines exigences.

A défaut d’information, le professionnel est passible d’une amende d’un montant maximal de 3000 euros pour une personne physique et de 15000 euros pour une personne morale.
Les modalités de mise en œuvre du processus de médiation ont fait l’objet d’un décret ultérieur et les professionnels avaient jusqu’au 1er janvier 2016 pour se conformer à ces dispositions.

Modification des délais de paiement entre professionnels par la loi Macron

Jusqu’à l’entrée en vigueur de l’article L.441-6 du Code de commerce modifié par la loi Macron, les délais de paiement étaient fixés à quarante-cinq jours fin de mois ou à soixante jours à compter de la date d’émission de la facture.

Désormais, le délai de principe est celui de soixante jours à compter de la date d’émission de la facture. Et c’est par dérogation que les parties peuvent prévoir un délai maximal de quarante-cinq jours fin de mois à compter de la date d’émission de la facture, la validité d’un tel délai étant subordonnée à deux conditions, à savoir qu’il soit expressément stipulé par contrat et qu’il ne constitue pas un abus manifeste à l’égard du créancier.

Dans les secteurs présentant un caractère saisonnier particulièrement marqué, les parties peuvent convenir d’un délai de paiement qui ne peut dépasser le délai maximal applicable en 2013. Les secteurs visés sont les secteurs qui bénéficiaient déjà de ce régime, à savoir, les secteurs du jouet, de l’horlogerie-bijouterie, du cuir, des articles de sport et du matériel d’agro équipement*.

*Décret n° 2015-1484 du 16 novembre 2015 fixant la liste des secteurs mentionnés à l’article L. 441-6 du code de commerce

Jurisprudence

Droit propre du débiteur d’exercer les voies de recours

Com. 8 septembre 2015 (n°14-14.192) F-PB :

Une société et son gérant, condamnés à payer diverses sommes en raison de la mauvaise exécution d’un contrat, avaient relevé appel du jugement dix jours avant la mise en liquidation judiciaire de la société. Le liquidateur, assigné en intervention forcée par les intimés avait fait savoir qu’il ne se constituerait pas pour le compte de la société faute de trésorerie. Les demandeurs font alors grief à l’arrêt d’appel d’avoir rejeté leurs demandes dirigées contre la société et son représentant.

La Cour de cassation rejette le pourvoi. Selon la Cour, il résulte de l’article L. 641-9 I du code de commerce que lorsqu’une instance, tendant à la condamnation du débiteur au paiement d’une somme d’argent pour une cause antérieure au jugement d’ouverture de sa liquidation judiciaire, est en cours à la date de ce jugement, le débiteur a, dans ce cas, le droit propre d’exercer les voies de recours prévues par la loi contre la décision statuant sur la demande de condamnation.

Nullité du contrat – Impossibilité de restitution

3ème Civ. 8 juillet 2015 (n°14-11.582) FS-PB :

Une commune avait consenti à la société civile immobilière (SCI) un contrat de crédit-bail immobilier. Se prévalant d’un défaut de paiement des loyers, la commune a obtenu par ordonnance de référé, la constatation de la résolution du contrat aux torts de la SCI et la condamnation de cette dernière à lui verser une provision à valoir sur les loyers échus et une indemnité d’occupation mensuelle jusqu’à la libération des lieux. La SCI a ensuite assigné la commune en nullité du contrat de crédit-bail et remboursement des loyers versés, au motif de l’absence d’autorisation délivrée au maire par le conseil municipal pour conclure un tel contrat.

Enfin, la commune a subsidiairement sollicité le paiement d’une indemnité d’occupation pour la période antérieure à l’annulation. La cour d’appel a rejeté la demande de la commune tendant au paiement d’une indemnité d’occupation pour la période antérieure à l’annulation de la commune dans la mesure où du fait de la restitution de l’immeuble, la commune n’a pas subi d’appauvrissement.

La Cour de cassation casse l’arrêt d’appel et précise que dans le cas où un contrat nul a été exécuté, les parties doivent être remises dans l’état où elles se trouvaient avant cette exécution et que, lorsque cette remise en état se révèle impossible, la partie qui a bénéficié d’une prestation qu’elle ne peut restituer, comme la jouissance d’un bien loué, doit s’acquitter d’une indemnité d’occupation.

Astreinte conventionnelle et clause pénale

2ème Civ. 3 septembre 2015 (n°14-20.431) F-PB :

Les vendeurs d’un immeuble, ont, par acte authentique, souscrit l’obligation, de faire enlever une jardinière établie sur le domaine public, sous astreinte journalière. Un juge de l’exécution a néanmoins déclaré irrecevable la demande de l’acquéreur tendant à la liquidation de l’astreinte conventionnelle.

Ce dernier ayant diligenté, en vertu du titre notarié, une saisie-vente et deux saisies-attributions, pour obtenir paiement de la somme convenue, les vendeurs ont saisi un juge de l’exécution, qui a rejeté leur demande d’annulation du commandement de saisie-vente, de mainlevée des deux saisies-attributions et de suppression de l’astreinte.

Pour annuler le commandement de saisie-vente et ordonner la mainlevée des deux saisies-attributions, les juges du fond ont retenu qu’aucune astreinte ne pouvait donner lieu à une mesure d’exécution forcée avant sa liquidation, que cette astreinte soit prononcée par un juge ou qu’elle soit convenue entre les parties dans un acte pour assurer l’exécution d’une obligation de faire.

La Cour de cassation rappelle d’abord que le juge doit donner ou restituer leur exacte qualification aux faits et actes litigieux sans s’arrêter à la dénomination que les parties en auraient proposée. En conséquence, il appartenait à la cour d’appel de qualifier et apprécier la clause litigieuse, qui en l’espèce, s’analysait en une clause pénale.

Indivisibilité

1ère Civ. 10 septembre 2015 (n°14-13.658) FS-PBI :
1ère Civ. 10 septembre 2015 (n°14-17.772) FS-PBI :

Les deux arrêts présentés ici, portent sur des faits similaires. Dans chacune des espèces, une banque conteste devant la Cour de cassation, la décision de la cour d’appel prononçant la nullité d’un contrat de vente et d’installation d’une éolienne ainsi que la nullité du contrat de prêt consenti afin de financer cette acquisition.

La Cour de cassation rejette les deux pourvois. La Cour a, à l’appui de son premier arrêt, retenu que la cour d’appel avait constaté que l’offre de crédit était affectée au contrat principal et avait été renseignée par le vendeur, et que le prêteur avait remis les fonds empruntés entre les mains de ce dernier, ce qui caractérisait l’existence d’une indivisibilité conventionnelle entre les contrats de vente et de prêt au sens de l’article 1218 du code civil. Dans le second arrêt, la Cour considère que les juges du fond ont fait ressortir l’indivisibilité des contrats litigieux en énonçant, d’une part, que le contrat de crédit était l’accessoire du contrat de vente auquel il était subordonné, et d’autre part, que l’emprunteur avait attesté de l’exécution du contrat principal afin d’obtenir la libération des fonds par le prêteur, lequel avait mis ceux-ci à la disposition du vendeur. En conséquence, la résolution du contrat principal emportait l’anéantissement du contrat accessoire.

Conditions de participation aux décisions dans une société civile immobilière

3ème Civ. 8 juillet 2015 (n°13-27.248) FS-PB :

La Cour de cassation rappelle qu’aux termes de l’article 1844 du code civil, seuls les associés ont le droit de participer aux décisions collectives de la société. Ainsi, la Cour confirme l’arrêt d’appel prononçant la nullité d’une assemblée générale à laquelle les héritiers d’un associé décédé ont pris part et au cours de laquelle ils ont participé à la désignation du gérant alors qu’ils ne pouvaient se prévaloir ni d’un agrément, ni de la qualité d’associé.

Abus de majorité

3ème Civ. 8 juillet 2015 (n°13-14.348) FS-PB :

L’actionnaire minoritaire d’une SCI a assigné l’actionnaire majoritaire afin de voir prononcer la nullité de plusieurs décisions prises par l’assemblée générale. En effet, cette SCI, constituée initialement pour acquérir et exploiter un immeuble avait vendu deux tiers de ses parts à une société. Puis, suivant cette nouvelle répartition des parts, une augmentation de capital avait été votée et souscrite en totalité par l’actionnaire majoritaire, l’objet social avait été modifié et la totalité des résultats de deux exercices avaient été affectés en réserves.

La cour d’appel ayant conclu que les règles statutaires de majorité renforcée requises pour la modification des statuts avaient été méconnues, elle a sanctionné ces irrégularités par la nullité.

La décision des juges du fond est confirmée par la Cour de cassation au motif que le principe d’unanimité, sauf clause contraire, pour modifier les statuts, posé par l’article 1836 du code civil, relève des dispositions impératives du titre visé par l’article 1844-10 du même code.

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