1.  Spécificité de l’action en responsabilité pour insuffisance d’actif et point de départ de la prescription
2. Une instance en cours ôte au juge commissaire le pouvoir de se prononcer sur l’admission d’une créance
3. La poursuite de l’exécution du contrat impose l’observation de la clause compromissoire stipulée
4. Défaut de subrogation de la caution : charge de la preuve
5. La rupture abusive des concours ne libère pas la caution de son engagement de payer
6. Tierce opposition de la caution à la sentence arbitrale
7. Garanties hypothécaires: modalités de répartition du solde disponible du débiteur
8. Sanction du déséquilibre résultant d’une clause attributive de juridiction
9. La perte de la qualité d’associé est subordonnée au remboursement de la valeur des droits sociaux
10. Société civile immobilière : La perte de la qualité d’associé est subordonnée au remboursement de la valeur des droits sociaux

 
1. Responsabilité pour insuffisance d’actif
Com. 8 avril 2015 (n°13-28.512) F-PB :
En l’espèce, l’action en responsabilité pour insuffisance d’actif contre le dirigeant d’une société en liquidation judiciaire a été déclarée recevable. Le dirigeant a contesté la recevabilité de cette action. Selon lui, l’action en responsabilité pour insuffisance d’actif se combinait d’une part avec les actions en responsabilité extracontractuelle. Le régime de l’action en responsabilité pour insuffisance d’actif se combinait d’autre part, avec celui de l’action en responsabilité contre les dirigeants de société anonymes ; ce dont il résultait que l’action se prescrivait par trois ans et qu’elle ne pouvait être fondée que sur les seules fautes de gestion non prescrites en vertu de l’article L.225-254 du Code de commerce.
La Cour de cassation, rejette le pourvoi et rappelle  que l’action en responsabilité pour insuffisance d’actif est indépendante de l’action spéciale en responsabilité ouverte par l’article L. 225-254 du code de commerce contre les dirigeants d’une société anonyme et de l’action générale en responsabilité civile extracontractuelle. La Cour précise ensuite qu’aux termes de l’article L. 651-2, alinéa 3, du code de commerce, l’action se prescrit par trois ans à compter du jugement qui prononce la liquidation judiciaire, sans considération de la date de commission des fautes de gestion reprochées au dirigeant poursuivi.
 
2. Admission de créance et instance en cours
Com. 8 avril 2015 (n°14-10.172) F-PBI :
En l’espèce, un débiteur en liquidation a contesté la déclaration de l’un de ces créanciers en raison de l’existence d’une instance d’appel relative à la condamnation de ce débiteur au paiement d’une certaine somme au dit créancier. Cette dernière affaire a été radiée  du rôle et la cour d’appel a prononcé l’admission de la créance.
Au visa des articles 383 du Code de procédure civile, L.624-2 et L.641-14 du Code de commerce dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance du 12 mars 2014, la Cour de cassation casse l’arrêt dans la mesure où, une instance d’appel en cours au jour du jugement d’ouverture de la procédure collective, seulement suspendue par une mesure de radiation, ôte au juge-commissaire le pouvoir de prononcer l’admission ou le rejet de la créance, peu important que le jugement attaqué soit exécutoire.
 
3. La poursuite de l’exécution du contrat impose l’observation de la clause compromissoire stipulée
1ère  Civ. 1er avril 2015 (n°14-14.552) F-PB :
Un liquidateur qui avait poursuivi l’exécution des contrats, a saisi le tribunal de commerce afin d’obtenir le paiement de sommes dues par un cocontractant malgré des stipulations spécifiques contenant une clause compromissoire. La demande du liquidateur a été déclarée irrecevable faute d’avoir respecté la procédure d’arbitrage. Le liquidateur a alors formé un pourvoi devant la Cour de cassation. A l’appui de sa demande, le liquidateur prétendait notamment que la clause compromissoire n’est opposable aux organes de la procédure que tant qu’ils agissent en représentation du débiteur et non lorsqu’ils agissent au nom des créanciers.
La Cour de cassation confirme l’arrêt d’appel aux termes duquel « le liquidateur avait usé de la faculté de poursuivre l’exécution des contrats avec tous les droits et obligations qui s’y rattachaient, ce qui impliquait l’observation de la clause compromissoire qui y était stipulée ».
 
4. Défaut de subrogation de la caution : charge de la preuve
Com. 8 avril 2015 (n°13-22.969) F-PB :
En l’espèce, une banque ayant déclaré sa créance hors délai n’a pas été admise dans la répartition des dividendes prévus par le plan de continuation de son débiteur. La banque a donc assigné la caution du débiteur en exécution de son engagement. La cour d’appel a condamné la caution au paiement d’une certaine somme car elle n’avait ni démontré qu’elle aurait pu tirer un avantage effectif d’être admise dans les répartitions et dividendes, ni démontré l’existence d’une perte de chance.
La Cour de cassation casse l’arrêt au motif que la cour d’appel a inversé la charge de la preuve. Il appartient au créancier et non à la caution de prouver que la perte du droit préférentiel n’a causé aucun préjudice.
 
5. La rupture abusive des concours ne libère pas la caution de son engagement de payer
Com. 24 mars 2015 (n°13-16.076) FS-PB :
En l’espèce, la dirigeante d’une EURL s’était rendue caution solidaire du remboursement de prêts et du solde d’un compte courant souscrits auprès d’une banque. La banque avait ensuite réclamé à l’entreprise la restitution des moyens de paiement, peu de temps avant la mise en liquidation de l’entreprise, puis avait assigné la caution. La caution avait, quant à elle, recherché la responsabilité de la banque en raison d’une rupture abusive des concours.
La cour d’appel a rejeté les demandes de remboursement adressées par la banque et l’a condamnée à payer des dommages-intérêts à la caution.
La Cour de cassation considère qu’en statuant ainsi, alors que la caution est tenue, en vertu du caractère accessoire de son engagement, de payer à la banque le montant des sommes restant dues par le débiteur principal, la créance de dommages-intérêts détenue par la première à l’égard de la seconde ne pouvant donner lieu qu’à compensation, la cour d’appel a violé l’article 1147 du Code civil.
 
6. Tierce opposition de la caution à l’encontre d’une sentence arbitrale
Com. 5 mai 2015 (n°14-16.644) FS-PBRI :
En l’espèce, un débiteur a cédé à son créancier l’ensemble des actions qu’il détenait dans le capital d’une société. A cette occasion, les parties ont souscrit une convention de garantie de passif et une convention de gestion de procès, chaque convention prévoyant une clause compromissoire aux termes de laquelle les arbitres recevaient le pouvoir d’amiable compositeur en dernier ressort. Par un acte du même jour, ne comportant pas de clause compromissoire une société tierce s’est rendue caution solidaire des engagements du débiteur au profit du créancier.
La société dont les parts avaient été cédées ayant été condamnée à payer une certaine somme, le créancier a mis en jeu la garantie de passif et une sentence arbitrale a condamné le débiteur à payer au créancier ladite somme. Assignée par le créancier, la caution a formé tierce opposition incidente à l’encontre de la sentence arbitrale, laquelle a été déclarée irrecevable par la cour d’appel.
Au visa de l’article 6§1 de la Convention européenne des droits de l’homme, la Cour de cassation casse l’arrêt d’appel dans la mesure où elle considère que « le droit effectif au juge implique que la caution solidaire, qui n’a pas été partie à l’instance arbitrale, soit recevable à former tierce opposition à l’encontre de la sentence arbitrale déterminant le montant de la dette du débiteur principal à l’égard du créancier ».
 
7. Modalités de répartition du solde disponible du débiteur
Com. 5 mai 2015 (n°14-17.941) F-PB :
En l’espèce, une société a souscrit auprès de deux banques, deux prêts d’un même montant, garantis par deux hypothèques inscrites le même jour. La société ayant été mise en liquidation judiciaire, les banques ont déclaré leurs créances. Après la réalisation du bien par le liquidateur, la répartition du solde du prix entre les banques a suscité des difficultés.
La cour d’appel a considéré que le solde disponible devait être réparti entre les deux banques au prorata de leurs créances hypothécaires respectives telles qu’admises au passif de la liquidation judiciaire.
La Cour de cassation confirme l’arrêt en précisant que dans le cas où deux inscriptions hypothécaires, prises le même jour sur un même immeuble, viennent en concurrence et où les biens du débiteur sont insuffisants pour remplir leurs titulaires de leurs droits, la répartition des deniers du débiteur se fait par contribution.
 
8. Sanction du déséquilibre résultant d’une clause attributive de juridiction
1ère Civ. 25 mars 2015 (n°13-27.264) F-PB :
Afin de financer des travaux en France, une société a conclu avec une banque établie en Suisse, deux contrats-cadre de crédit, comportant une clause attributive de juridiction (CAJ) indiquant que « l’emprunteur reconnaît que le for exclusif pour toute procédure est Zurich ou au lieu de la succursale de la banque où la relation est établie » et que « la banque est toutefois en droit d’ouvrir action contre l’emprunteur devant tout autre tribunal compétent ».
Mettant en cause le montage financier dans lequel s’inscrivait cette opération, réalisé par l’intermédiaire du représentant d’une société domiciliée au Royaume-Uni et auquel avait participé une banque établie en France, une société, venant aux droits de l’emprunteur les a assignées, ainsi que la banque établie en Suisse devant une juridiction française, en indemnisation de son préjudice.
La cour d’appel accueille l’exception d’incompétence soulevée par la banque au motif que le déséquilibre résultant de la CAJ, consubstantiel à une CAJ convenue entre deux contractants de pays différents, ne suffit pas à la rendre irrégulière au regard de la convention de Lugano.
La Cour de cassation censure l’arrêt d’appel. Selon la Cour,  en ne recherchant pas si le déséquilibre dénoncé, en ce que la clause litigieuse réservait à la banque le droit d’agir contre l’emprunteur devant « tout autre tribunal compétent » et ne précisait pas sur quels éléments objectifs cette compétence alternative était fondée, n’était pas contraire à l’objectif de prévisibilité et de sécurité juridique poursuivi par la convention de Lugano, la cour d’appel a privé sa décision de base légale.
 
 9. La perte de la qualité d’associé est subordonnée au remboursement de la valeur des droits sociaux
Com. 5 mai 2015 (n°14-10.913) F-PB :
Après la liquidation judiciaire d’une associée et cogérante d’une société civile immobilière (SCI), le liquidateur a assigné les gérants en désignation d’un administrateur provisoire de la SCI. L’un des gérants et la SCI font grief à l’arrêt de la cour d’appel d’avoir fait droit à cette demande alors qu’aux termes des statuts de la SCI en cas de liquidation judiciaire de l’un des associés, celui-ci cessait de faire partie de la société.
La Cour de cassation rejette le pourvoi formé contre la décision de la cour d’appel car il résulte de l’article 1860 du code civil que la perte de la qualité d’associé ne peut être antérieure au remboursement de la valeur de ses droits sociaux.
 
10. Obligation des associés aux dettes sociales
3ème Civ. 6 mai 2015 (n°14-15.222) FS-PBI :
En raison d’un défaut d’isolation phonique, une SCI et son assureur  ont été assignés par le syndicat des copropriétaires afin d’obtenir une indemnisation de ce préjudice.
L’assureur a par la suite été condamné à payer au liquidateur de la SCI une somme correspondant au montant des réparations effectivement supporté par la SCI, montant qui ne correspondait pas au montant de la déclaration de créance dans la mesure où, la cour d’appel avait déduit du montant total, les paiements effectués par des associés au motif qu’ils avaient payé leur dette personnelle à l’égard des tiers.
La Cour de cassation affirme au contraire, que « l’associé d’une société civile, qui désintéresse un créancier social en application de l’article 1857 du code civil, paie la dette de la société et non une dette personnelle ».

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