La revendication est un acte très important pour le propriétaire d’un bien dans le cadre d’une procédure collective. Sa réalisation est compliquée par la période de Covid-19. Le but de la présente communication est de sensibiliser à cette complication et aux calculs devant être faits, au cas par cas et aux éléments à prendre en considération, au nombre de trois:

  • Date de fin de l’état d’urgence sanitaire (en l’état 24 mai à minuit)
  • Date de fin de la période juridiquement protégée (en l’état 24 mai + 1 mois soit 24 juin à minuit)
  • Date d’expiration du délai initial de revendication ou de saisine du juge-commissaire

La loi n°2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de Covid-19 a notamment instauré un état d’urgence sanitaire et permis au Gouvernement d’adopter, par ordonnances, des mesures d’urgence liées à la crise du Coronavirus-Covid-19.

Dans ce contexte, une ordonnance n°2020-306 du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d’urgence sanitaire et à l’adaptation des procédures pendant cette même période a notamment été adoptée.

Ce que prévoit le droit commun en matière de revendication

Les personnes concernées par l’action en revendication

L’article 2276 du Code civil pose un principe selon lequel en matière mobilière, la détention physique d’un bien fait présumer la propriété. Ce principe ne reflète pas toujours la réalité puisque l’utilisateur d’un bien peut ne pas être son propriétaire. Pour faire constater cette réalité, les propriétaires de meubles laissés entre les mains du débiteur placé en procédure collective doivent les revendiquer. L’action en revendication n’est pas obligatoire pour tous les propriétaires: elle concerne uniquement les propriétaires de biens meubles dont le contrat par lequel ils les ont remis au débiteur n’a pas été publié.

Les modalités de l’action en revendication

Les modalités de mise en œuvre de la revendication

– Le propriétaire dispose d’un délai de trois mois pour revendiquer à partir de la publication du jugement d’ouverture au BODACC;

– Il doit présenter une demande en acquiescement de revendication par lettre recommandée avec demande d’avis de réception à l’organe compétent qui dispose d’un délai d’un mois pour répondre:

  • Il s’agit de l’administrateur judiciaire en sauvegarde et en redressement judiciaire
  • En l’absence d’administrateur, la demande est adressée au débiteur qui doit obtenir l’avis conforme du mandataire;
  • Il s’agit du liquidateur judiciaire en liquidation judiciaire.

Les suites pouvant être données à la revendication

– L’organe compétent peut acquiescer à la revendication et ainsi reconnaitre le droit de propriété du tiers qui peut l’opposer à la procédure collective ;

– L’organe compétent peut refuser d’acquiescer à la revendication ou ne pas répondre.

Dans l’un ou l’autre de ces cas, le propriétaire doit saisir le juge commissaire par voie de requête en revendication dans le mois qui suit la fin du délai laissé à l’organe compétent pour répondre. Cette ordonnance peut faire l’objet d’un recours dans les 10 jours qui suivent sa notification.

Ce que prévoit l’ordonnance n°2020-306 du 25 mars 2020

L’article 2 de l’ordonnance 2020-306 prévoit que :

« Tout acte, recours, action en justice, formalité, inscription, déclaration, notification ou publication prescrit par la loi ou le règlement à peine de nullité, sanction, caducité, forclusion, prescription, inopposabilité, irrecevabilité, péremption, désistement d’office, application d’un régime particulier, non avenu ou déchéance d’un droit quelconque et qui aurait dû être accompli pendant la période mentionnée à l’article 1er sera réputé avoir été fait à temps s’il a été effectué dans un délai qui ne peut excéder, à compter de la fin de cette période, le délai légalement imparti pour Tout acte, recours, action en justice, formalité, agir,dans la limite de deux mois[…] »

En pratique :

Cet article s’applique, sauf disposition spéciale contraire, à l’ensemble des délais qui ont expiré ou qui expirent entre le 12 mars 2020 et l’expiration d’un délai d’un mois à compter de la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire déclaré dans les conditions de l’article 4 de la loi d’urgence du 23 mars 2020, soit, en l’état, le 24 juin 2020. (24 mai 2020 + 1 mois = « période juridiquement protégée»)

Les actes prescrits par la loi ou le règlement et qui devaient être accomplis dans cette période pourront être réalisés dans un délai de deux mois après cette période.

Application des dispositions à l’action en revendication

– Le délai de trois mois dont dispose le propriétaire pour revendiquer les meubles, prévu par l’article L.624-9 du Code de commerce, entre dans le champ d’application de l’article 2 de l’ordonnance 2020306.

Il s’agit d’un délai préfix qui, s’il n’est pas respecté a pour effet de rendre le droit du propriétaire d’un bien inopposable aux organes de la procédure collective et aux créanciers du débiteur

– Le délai d’un mois à compter de l’expiration du délai de réponse dont dispose le propriétaire pour saisir le juge-commissaire à peine de forclusion, prévu au 2ème alinéa de l’article R.624-13 du Code de commerce, entre également dans le champ d’application de l’ordonnance 2020-306

– Si ce délai expire entre le 12 mars 2020 et l’expiration de la « période juridiquement protégée », la revendication doit se faire avant l’expiration du délai de deux mois suivant la fin de cette période, c’est-à-dire dans les trois mois suivant l’expiration de l’état d’urgence sanitaire.

– S’il expirait pendant la période juridiquement protégée, le délai d’un mois prévu au 2ème alinéa de l’article R.624-13, avant l’expiration duquel le propriétaire doit, à peine de forclusion, saisir le juge commissaire, court à compter de la fin de la période juridiquement protégée.

Exemples concrets (en prenant en considération comme date de fin de l’état d’urgence sanitaire le 24 mai 2020 à minuit)

Exemple n°1 :

Jugement d’ouverture publié le 1er février 2020

Délai de revendication expirant le 30 avril 2020, se trouvant prorogé au 24 août 2020 (24 mai + 1mois + 2mois)

Exemple n°2 :

Jugement d’ouverture rendu le 10 mars 2020 publié le 20 mars 2020

Délai de revendication expirant le 20 juin 2020, se trouvant prorogé au 24 août 2020 (idem)

Exemple n°3 :

Jugement d’ouverture rendu le 14 mars 2020 publié le 28 mars 2020

Délai expirant le 28 juin 2020 ne se trouvant pas prorogé

Exemple n°4 :

Jugement d’ouverture rendu le 14 juin 2020 publié le 28 juin 2020

Délai expirant le 28 septembre 2020, ne se trouvant pas prorogé

La vigilance est de mise

L’action en revendication répond à un processus complexe d’enchainement de délais que le propriétaire de biens meubles doit scrupuleusement respecter. A défaut, son droit de propriété est inopposable à la procédure collective et aux créanciers du débiteur. Si l’ordonnance n°2020-306 tend à proroger les délais échus pendant la période d’urgence sanitaire et à adapter les procédures pendant cette même période, le propriétaire doit se montrer particulièrement vigilant compte-tenu des modalités de calcul de ladite prorogation et ses limites.

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