I. Le contexte de l’établissement de l’ordonnance 2020-316 du 25 mars 2020
La loi n°2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de Covid-19 a notamment instauré un état d’urgence sanitaire et permis au Gouvernement d’adopter, par ordonnances, des mesures d’urgence liées à la crise du Coronavirus-Covid-19.
Dans ce contexte, une ordonnance n°2020-316 relative au paiement des loyers, des factures d’eau, de gaz et d’électricité afférents aux locaux professionnels des entreprises dont l’activité est affectée par la propagation de l’épidémie Covid-19 a été adoptée.
La loi d’habilitation en son article 11.g) autorise le Gouvernement à prendre toute mesure permettant de :
- Reporter intégralement ou d’étaler le paiement des loyers, des factures d’eau, de gaz et d’électricité afférents aux locaux professionnels et commerciaux,
- Et de renoncer aux pénalités financières et aux suspensions, interruptions ou réductions de fournitures susceptibles d’être appliquées en cas de non-paiement de ces factures, au bénéfice des microentreprises, au sens du décret n° 2008-1354 du 18 décembre 2008, dont l’activité est affectée par la propagation de l’épidémie.
II. Le contenu de l’ordonnance
A. Les mesures prises
Report intégral ou étalement du paiement des loyers afférents aux locaux professionnels et commerciaux.
A défaut de paiement des loyers ou des charges locatives afférents à leurs locaux professionnels et commerciaux, les bailleurs ne pourront :
- appliquer au preneur aucune pénalité financière ou intérêt de retard, aucuns dommages-intérêts, aucune astreinte, aucune clause pénale ou toute clause prévoyant une déchéance,
- se prévaloir de l’exécution de la clause résolutoire insérée au bail;
- activer des garanties ou cautions,
Et ce, nonobstant toute stipulation contractuelle et les dispositions des articles L. 622-14 et L. 641-12 du Code de commerce.
Les dispositions ci-avant détaillées s’appliquent aux loyers et charges locatives dont l’échéance de paiement intervient entre le 12 mars 2020 et l’expiration d’un délai de deux mois après la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire déclaré par l’article 4 de la loi du 23 mars 2020 précitée.
B. Les entreprises concernées
Les personnes physiques et morales de droit privé exerçant une activité économique particulièrement touchées par les conséquences économiques, financières et sociales de la prorogation du covid-19 et des mesures prises pour en limiter la propagation, éligibles au fonds de solidarité, autrement dit :
- Les TPE, les indépendants, les micro-entrepreneurs et professions libérales ayant un CA inférieur à 1 million € et un bénéfice annuel imposable inférieur à 60.000 €
Lesquelles :
- ont fait l’objet d’une fermeture administrative OU
- ont subit une perte de 70% de chiffre d’affaires en mars 2020 par rapport à mars 2019
Les personnes physiques et morales de droit privé qui poursuivent leur activité dans le cadre d’une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire sur communication d’une attestation établie par l’un des mandataires judiciaires désignés aux termes du jugement d’ouverture de ladite procédure.
III. Analyse critique
A. Quant aux mesures prises
L’ordonnance d’habilitation va au-delà des mesures initialement prévues aux termes de la loi n°2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence puisque elle prévoit, en sus du report intégral ou de l’étalement du paiement des loyers et de la renonciation aux pénalités financières et aux suspensions, interruptions ou réductions de fournitures susceptibles d’être appliquées en cas de non-paiement de ces factures, l’impossibilité pour le bailleur :
- De se prévaloir de la clause résolutoire insérée au bail;
- D’activer des garanties ou cautions.
La question de la légalité de ces mesures se pose par rapport à la loi d’habilitation.
B. Quant aux personnes concernées
L’ordonnance d’habilitation restreint le champs d’application des mesures édictées envisagé dans la loi d’habilitation :
- Alors que la loi n°2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence prévoit que les mesures prises peuvent l’être au bénéfice des microentreprises, c’est à dire au bénéfice des entreprises qui occupent moins de 10 personnes et qui réalisent un chiffre d’affaires annuel ou un total de bilan n’excédant pas 2 millions d’euros;
- L’ordonnance d’habilitation prévoit que sont concernés les TPE, les indépendants, les micro-entrepreneurs et professions libérales ayant réalisé un chiffre d’affaires inférieur à 1 million d’euros et un bénéfice annuel imposable inférieur à 60.000 €
Et l’étend en revanche aux entreprises faisant l’objet d’une procédure collective, a priori sans condition de taille, la question de la légalité de cette extension se posant également par rapport à la loi d’habilitation.