Focus sur les décrets n°2021-1354 et 2021-1355 du 16 octobre 2021
Rappels liminaires
La procédure de sortie de crise a été créé par l’article 13 de la loi n°2021-689 du 31 mai 2021.
Il s’agit d’une procédure collective simplifiée destinée aux petites entreprises visant à permettre leur rebond grâce à une restructuration de leur dette.
Bien que cette loi s’applique en principe aux procédures ouvertes depuis le 2 juin 2021, les décrets 2021-1354 et 2021-1355 permettent désormais son application effective puisqu’ils viennent apporter un certain nombre de précisions très attendues.
Les entreprises concernées
Les entreprises concernées sont les mêmes que celles qui peuvent faire l’objet d’une procédure collective « classique » sous réserves de répondre à plusieurs conditions cumulatives.
C’est ainsi que le débiteur :
- Doit compter moins de 20 salariés à la date de la demande d’ouverture ;
- Doit pouvoir justifier d’un total de bilan inférieur à 3 millions d’euros de passif déclaré (apprécié à la date de clôture du dernier exercice comptable) ;
- Doit pouvoir présenter des comptes apparaissant réguliers, sincères et aptes à donner une image fidèle de la situation financière de l’entreprise ;
- Doit poursuivre son activité ;
- Doit être en état de cessation des paiements tout en disposant des fonds pour payer ses dettes salariales ;
- Doit justifier être en mesure, dans le délai de trois mois, d’élaborer un projet de plan tendant à assurer la pérennité de l’entreprise.
L’ouverture de la procédure
- Elle ne peut être ouverte qu’à la demande du dirigeant ;
- Les pièces jointes à la demande d’ouverture sont énumérées à l’article 1er du décret 2021-1354 ;
- Si le débiteur était engagé dans une procédure de conciliation, le tribunal statue sur l’ouverture de la procédure après un rapport du conciliateur ;
- Un mandataire de justice avec pour mission de surveiller la gestion du chef d’entreprise et d’agir au nom et dans l’intérêt collectif des créanciers est désigné par le tribunal ;
- La désignation de contrôleurs est possible.
Déroulement de la période d’observation
- Elle est limitée à trois mois ;
- Dans un délai maximum de deux mois, le tribunal ordonne la poursuite de la période d’observation s’il apparaît que le débiteur dispose de capacités de financement suffisantes lors d’une audience dont la date est fixée dans le jugement d’ouverture ;
- Au cours de cette période, il pourra être mis fin à la procédure par le tribunal sur demande du débiteur, du mandataire de justice ou du ministère public ;
- Le régime des contrats en cours est partiellement neutralisé ;
- Le régime des restitutions et des revendications n’est pas applicable.
Détermination du passif
- Il n’y a pas de procédure de déclaration de créance ni de vérification des créances ;
- La liste des créances de chaque créancier est établie par le débiteur dans les 10 jours du jugement d’ouverture,
- La conformité de cette liste avec les documents comptables de l’entreprise est vérifiée par le mandataire ;
- Les créanciers concernés pourront transmettre au mandataire judiciaire leur demande d’actualisation ou de contestation dans le délai d’un mois à compter soit de la publication du jugement au BODACC, soit si elle est postérieure, de la communication par le mandataire judiciaire des informations dont le débiteur est titulaire;
- Le mandataire désigné informe de l’ouverture de la procédure les personnes coobligées ou ayant consenti une sûreté personnelle ou ayant affecté un bien en garantie, dont l’existence a été portée à sa connaissance (par le débiteur ou par tous moyens).
- Lorsqu’une créance n’a pas été mentionnée sur la liste et est portée à sa connaissance, le mandataire désigné en informe le créancier et l’invite à préciser les caractéristiques de sa créance ;
- Le juge commissaire, qui n’interviendra que si le créancier conteste l’existence ou le montant de la créance figurant sur la liste, pourra admettre la créance, la rejeter, constater qu’elle fait l’objet d’une instance en cours ou constater qu’il est incompétent pour trancher la contestation ;
- La décision du juge commissaire n’aura d’effets qu’entre le débiteur, le créancier et le mandataire judiciaire ;
- Les engagements pour le règlement du passif qui figureront dans le plan pourront être établis sur la base de cette liste dès lors que les créances ne seront pas contestées.
Plan de traitement du passif
Le débiteur prépare le projet de plan avec l’assistance du mandataire désigné, puis le présente au tribunal, qui est saisi a tout moment pour statuer sur ledit projet.
Les modalités d’adoption du plan sont celles actuellement prescrites pour un plan de sauvegarde sous les réserves suivantes :
- Le plan ne peut pas comporter de dispositions relatives à l’emploi que le débiteur ne pourrait pas financer immédiatement ;
- Il n’est pas interdit de prévoir des licenciements mais leurs conséquences financières devront être supportées par le débiteur, l’AGS n’intervenant pas ;
- Le montant des annuités prévues par le plan à compter de la 3ème année ne peut être inférieur à 8% du passif établi par le débiteur ;
- Le plan ne peut affecter que les créances mentionnées sur la liste établie par le débiteur, née antérieurement au jugement d’ouverture ;
- Le plan ne peut avoir d’impact sur les créances nées d’un contrat de travail, les créances alimentaires, les créances d’origine délictuelle, les créances inférieures à un certain montant, les créances postérieures.
Les conséquences de l’absence d’arrêt d’un plan
- Si un plan n’est pas arrêté dans les trois mois du jugement d’ouverture, le tribunal, saisi par voie de requête, ouvre, à la demande du débiteur, du mandataire désigné ou du ministère public, une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire, si les conditions sont réunies ;
- Cette décision, notifiée au débiteur dans les huit jours de son prononcé, met fin à la procédure de traitement de sortie de crise.
- Il n’y a donc pas conversion de procédure mais bien ouverture d’une nouvelle procédure qui permettra de faire courir les délais qui ont normalement vocation à courir pendant la période d’observation.
Les voies de recours
- Les jugements et ordonnances rendues en matière de procédure de traitement de sortie de crise sont exécutoires de plein droit à titre provisoire (excepté ceux rendus en application des articles L.622-8 et L.626-22 du Code de commerce) ;
- L’exécution provisoire peut être suspendue par le premier président lorsque les moyens à l’appui de l’appel paraissent sérieux ;
- En cas d’appel du ministère public d’un jugement ouvrant la procédure ou arrêtant le plan, l’exécution provisoire est arrêtée de plein droit à compter du jour de cet appel ;
- Le Premier président de la Cour d’appel peut, sur requête du procureur général, prendre toute mesure conservatoire pour la durée de l’instance d’appel ;
- Le délai d’appel des parties est de dix jours à compter de la notification qui leur est faite des décisions ;
- L’opposition et la tierce opposition sont formées par déclaration au greffe dans le délai de dix jours à compter du prononcé de la décision, ou de la publication de la décision au BODACC, ou encore à compter du jour de la publication, le cas échéant, de l’insertion dans un support d’annonces légales ;
Dispositions diverses
- Sauf dispositions contraires, les règles du Code de procédure civile sont applicables;
- Les notifications auxquelles procède le greffier sont faites par LRAR ;
- La date de signification est celle de la signature de l’avis de réception, à défaut, celle de présentation de la lettre recommandée ;
- Les jugements du tribunal sont rendus en audiences publiques, à l’exception de ceux rejetant la demande d’ouverture de la procédure de traitement de sortie de crise ;
- Sont mentionnées d’office au RCS certaines des décisions intervenues dans les procédures de traitement de sortie de crise ;
- Sont radiées d’office lesdites mentions lorsqu’il a été mis fin à la procédure en raison de l’incapacité du débiteur de présenter un plan dans les trois mois, lorsqu’il a été constaté l’achèvement de l’exécution du plan arrêté ou lorsque le plan est toujours en cours à l’expiration d’un délai d’un an à compter de son arrêté.