Qui apprécie l’expression selon laquelle l’enfer est pavé de bonnes intentions, en trouvera peut-être une belle illustration dans le nouvel article 1161 du Code civil.
Selon celui-ci « Un représentant ne peut agir pour le compte des deux parties au contrat ni contracter pour son propre compte avec le représenté.
En ces cas, l’acte accompli est nul à moins que la loi ne l’autorise ou que le représenté ne l’ait autorisé ou ratifié ».

Cette disposition qui figure au sein de celles venues définir un régime général de la représentation, qu’elle soit légale, conventionnelle ou judiciaire, poursuit de façon très louable l’objectif de prévenir, dans la conclusion d’un contrat, tout conflit d’intérêt du fait d’un représentant unique.
Elle ne peut cependant que provoquer, en particulier dans la vie des affaires, des interrogations voire des inquiétudes.
En résulte en effet une interdiction :

  • Soit de la représentation des deux parties à un contrat par un même représentant,
  • Soit de la conclusion d’un contrat par deux parties dont l’une représenterait l’autre, et ce à défaut soit d’une autorisation de la loi, soit d’une autorisation préalable ou d’une ratification par le représenté.

Or la portée de cette interdiction n’est pas évidente à apprécier à plusieurs titres.
En premier lieu, dans la mesure où elle s’inscrit dans le cadre du régime général de la représentation instauré, se pose la question de son application particulière à la représentation des personnes morales et encore plus spécifiquement des sociétés.
Sauf à considérer que le droit commun des sociétés comporterait une autorisation de principe pour le représentant d’agir au nom de deux sociétés ou de contracter personnellement avec une société dont il serait le représentant, l’application de l’article 1161 aboutirait à la nécessité qu’une autorisation préalable lui soit donnée ou qu’une ratification intervienne dans de telles hypothèses.
Paradoxalement alors, se poserait la question de la pertinence de la survivance des dispositions organisant pour certaines sociétés un régime protecteur spécifique à savoir celui des conventions dites réglementées puisque ladite protection serait donc généralisée.
En second lieu, se pose la question de savoir à quelles hypothèses s’applique réellement l’article 1161 du Code civil.
La rédaction de celui-ci prévoit en effet que la prohibition qu’il édicte s’appliquerait aux hypothèses dans lesquelles le représentant agirait au nom des deux parties au contrat et non de deux parties au contrat.
Faut-il considérer que dès lors que le contrat comporterait plus de deux parties, ladite prohibition cesserait ? De même ladite prohibition ne s’appliquerait-elle pas dès lors que le représentant agirait au nom de plus de deux parties ?
Il semble que de telles exclusions, si elles pourraient procéder d’une lecture littérale de la disposition en cause au regard de sa rédaction, ne seraient manifestement pas conformes à son esprit.
En troisième lieu, le régime de la nullité instaurée n’est pas précisé.
Il semblerait raisonnablement possible de considérer qu’il ne s’agirait que d’une nullité relative, dès lors que l’interdiction posée ne tend qu’à protéger un intérêt particulier, celui du représenté.
Ce qui, entre autres aspects du régime d’une telle nullité, permettrait la confirmation par le représenté du contrat, en l’absence d’autorisation préalable ou de ratification.
*
L’article 1161 du Code civil instaure incontestablement une forme de restriction au pouvoir de représentation d’un représentant qui, compte-tenu notamment des incertitudes soulignées, commande une certaine prudence jusqu’à ce que son régime ait été clarifié.

Morgan Jamet

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