Le 25 avril 2019, l’ordonnance n°2019-359 portant refonte du titre IV du livre IV du Code de commerce relatif à la transparence, aux pratiques restrictives de concurrence et aux autres pratiques prohibées a été publiée au Journal Officiel [1].

Prise en application de la loi du 30 octobre 2018 dite « Egalim » [2], cette ordonnance vient réorganiser, clarifier et simplifier les dispositions dudit titre IV afin de rendre ce dernier plus lisible, mieux tenir compte des réalités de la vie des affaires et mettre un frein à certaines dérives de la jurisprudence [3].

Les nouvelles dispositions de l’ordonnance sont entrées en vigueur le 26 avril 2019. Elles s’appliquent immédiatement à toutes les conventions ou avenants conclus postérieurement à cette date, quand bien même l’avenant se rapporte à une convention conclue antérieurement.

Deux exceptions toutefois :

  • s’agissant des conventions pluriannuelles en cours d’exécution à la date d’entrée en vigueur de l’ordonnance, celles-ci devront être mises en conformité au plus tard le 1er mars 2020 ;
  • s’agissant des nouvelles règles de facturation, celles-ci s’appliquent à compter du 1er octobre 2019 [4].

Présentation des principales modifications.

Conditions Générales de Vente

Les dispositions portant sur les conditions générales de vente ne figurent désormais plus à l’article L441-6 du Code de commerce, mais apparaissent à l’article L441-1 qui leur est dédié.

Pour une meilleure lisibilité, l’article se décompose en quatre parties :

  • contenu des CGV ;
  • modalités de leur communication ;
  • rôle des CGV dans le cadre de la négociation commerciale ;
  • sanctions en cas de défaut de communication.

Les principales évolutions intervenues en la matière sont les suivantes :

  • les CGV sont ne doivent désormais plus obligatoirement mentionner les conditions de vente, mais sont tenues de faire figurer les modalités de calcul du prix d’un service lorsque celui-ci n’est pas déterminé à l’avance dans les conditions générales ;
  • le défaut de communication des CGV est sanctionné par une amende administrative (et non plus une amende civile) prononcée par l’autorité administrative en charge de la concurrence et de la consommation, cette modification permettant de ne plus saisir la juridiction civile et de gagner en rapidité et efficacité.

Conventions uniques

En quinze ans, le cadre relatif aux conventions uniques a fait l’objet de six réformes[5]. L’objectif de l’ordonnance est ainsi de redonner de la cohérence au dispositif mais aussi d’en améliorer une nouvelle fois la lisibilité.

L’ensemble des dispositions portant sur les conventions uniques sont désormais réunies dans une sous-section dédiée aux « Conventions écrites ».

Par ailleurs, depuis la loi n°2016-1691 du 9 décembre 2016 il existait deux régimes applicables aux conventions : l’un entre les fournisseurs et distributeurs et le second entre les fournisseurs et les grossistes. Si aujourd’hui l’ordonnance laisse subsister deux régimes aux articles L441-3 et L441-4 du Code de commerce, les divisions sont différentes :

  • L’article L441-3 établit un régime général pour l’ensemble des conventions conclues entre un fournisseur et un distributeur ou un prestataire de services (y compris les grossistes), quel que soit le secteur.

Les obligations du régime général paraissent tout d’abord allégées :

  • la communication du barème des prix n’est plus exigée ;
  • la communication des CGV doit intervenir « dans un délai raisonnable avant le 1er mars ».

Par ailleurs, la notion de « prix convenu » est modifiée pour y intégrer l’ensemble des éléments concourant à la détermination du prix à l’issue de la négociation commerciale à savoir : les remises liées aux conditions de l’opération de vente, la coopération commerciale (qui en était auparavant exclue) et les autres obligations destinées à favoriser la relation commerciale. Cette nouvelle définition permettrait ainsi d’être cohérent face à la réalité des négociations faites sur la base d’un prix « triple net » applicable pour l’année [6]. Désormais, avant le 1er mars de chaque année les parties devront déterminer la rémunération globale des services de coopération commerciale.

Enfin, l’ordonnance prévoit que tout avenant à la convention doit faire l’objet d’un écrit mentionnant l’élément nouveau le justifiant. Selon le Rapport au Président de la République explicitant l’ordonnance, cet ajout permettra de s’assurer que cet avenant « ne remet pas en cause l’économie générale du contrat » [7].

  • L’article L441-4 du Code de commerce porte quant à lui uniquement sur les conventions uniques conclues entre fournisseurs et distributeur ou prestataires de service concernant des produits de grande consommation. Ces produits sont définis comme des produits non durables à forte fréquence et récurrence de consommation et ne s’appliquant pas aux conventions conclues entre producteurs et grossistes. Le régime de l’article L441-4 du Code de commerce vise ainsi les grandes enseignes de la distribution.

Le dispositif prévu à cet article n’inclut pas les allègements du régime général. Sont ainsi maintenues pour les conventions uniques relatives aux produits de grande consommation : la communication du barème des prix unitaires et la communication des CGV trois mois avant le 1er mars.

Par ailleurs, une obligation complémentaire est désormais insérée pour ces conventions : elles devront fixer le chiffre d’affaires prévisionnel annuel qui correspond à ce que l’ordonnance appelle le « plan d’affaires de la relation commerciale ».

S’agissant des manquements relatifs aux conventions uniques, l’ancien article L441-7 du Code de commerce prévoyait que « le fait de ne pas pouvoir justifier avoir conclu dans les délais prévus une convention satisfaisant aux exigences du I est passible d’une amende administrative dont le montant ne peut excéder 75 000 € pour une personne physique et 375 000 € pour une personne morale ». L’ordonnance étend le champ d’application des sanctions à tout manquement au formalisme afférent à la conclusion des conventions uniques. Les montants restent quant à eux inchangés.

Facturation

Les mentions de facturation ont également un article dédié (article L441-9 du Code de commerce).

L’ordonnance vient préciser la date d’émission de la facture afin d’aligner sa rédaction sur le code général des impôts et lever les ambiguïtés entre les rédactions. Désormais il est prévu la délivrance d’une facture dès la réalisation de la livraison (et non plus dès la « réalisation de la vente ») ou de la prestation de service au sens du Code général des impôts.

Afin d’accélérer le délai de règlement des factures, les nouvelles dispositions portant sur la facturation incluent deux mentions supplémentaires et obligatoires sur les factures :

  • l’adresse de facturation de l’acheteur et du vendeur (si elle est différente de leur adresse);
  • le numéro du bon de commande lorsqu’il a été préalablement établi par l’acheteur.

Enfin, s’agissant de la sanction encourue en cas de manquement aux dispositions sur la facturation, l’ordonnance met fin à la sanction pénale afin de poursuivre le processus de dépénalisation entamé par la loi Hamon en date du 17 mars 2014 [8] et renforcer la contrainte pesant sur les professionnels. L’amende est désormais administrative, son montant ne pouvant excéder 75.000 euros pour une personne physique et 375.000 euros pour une personne morale.

Pratiques restrictives de concurrence

Afin de le rendre plus intelligible, le célèbre article L442-6 du Code de commerce est divisé, ses dispositions réorganisées et modifiées.

Le nouvel article L442-1 du Code de commerce établit la liste des pratiques restrictives et la réduit aux seules pratiques concentrant l’essentiel du contentieux en la matière à savoir :

  • obtenir un avantage ne correspondant à aucune contrepartie ou manifestement disproportionné ;
  • soumettre l’autre partie à des obligations créant un déséquilibre significatif ;
  • rompre une relation commerciale établie.

Deux modifications peuvent ici être notées a priori uniquement en ce qui concerne les deux premiers sujets.

Tout d’abord la notion de « partenaire commercial » disparaît pour être remplacée par « l’autre partie », ce qui est de nature à élargir significativement le champ d’application de l’article.

Par ailleurs les modalités de contrôle de l’obtention d’un avantage évoluent, passant de « ne correspondant à aucun service commercial effectivement rendu » à « ne correspondant à aucune contrepartie ». L’ancienne rédaction avait en effet pu conduire à une limitation de cette pratique aux seuls accords de coopération commerciale du fait de la référence à un « service commercial ».

S’agissant de la rupture brutale d’une relation commerciale établie, le Code de commerce prévoit désormais à l’article L442-1-II que « la responsabilité de l’auteur de la rupture ne peut être engagée du chef d’une durée insuffisante dès lors qu’il a respecté un préavis de dix-huit mois ». Cet ajout a vocation à stopper les dérives liées aux durées de préavis et vient ici sécuriser juridiquement le dispositif.

En matière procédurale, les modalités de mise en œuvre de l’action en justice figurent désormais à l’article L442-4 du Code de commerce. L’article indique désormais que toute personne justifiant d’un intérêt, le ministère public et le ministre chargé de l’économie peuvent demander à la juridiction d’ordonner la cessation des pratiques, de constater la nullité des clauses ou contrats illicites et demander la restitution des avantages indus. Selon le rapport au Président de la République, cette nouvelle rédaction viendrait ainsi clarifier des dispositions qui laissaient penser que « seuls le ministre et le ministère public étaient recevables à demander la nullité des clauses litigieuses ».

Le plafond de l’amende civile en cas de pratique restrictive est quant à lui précisé, l’article L442-4 indiquant désormais que le montant de l’amende civile ne peut excéder le plus élevé des trois suivants :

  • 5 millions d’euros ;
  • le triple du montant des avantages indûment perçus ou obtenus ;
  • 5% du chiffre d’affaires HT réalisé en France par l’auteur des pratiques lors du dernier exercice clos depuis l’exercice précédant celui au cours duquel les pratiques ont été mises en œuvre.

L’ordonnance créée par ailleurs un article spécifique portant sur la violation de l’interdiction de revente hors réseau faite au distributeur lié par un accord de distribution sélective ou exclusive. Auparavant à l’article L442-6-I, 6°, cette disposition figure désormais à l’article L442-2 du Code de commerce et élargit la responsabilité à toute personne participant à cette violation, même tiers au réseau.

Enfin sur les cinq clauses ou accord prohibés de l’article L442-6-II du Code de commerce, l’ordonnance n’en conserve que deux portants sur la possibilité de bénéficier :

  • rétroactivement de remises, de ristournes ou d’accords de coopération commerciales ;
  • automatiquement des conditions plus favorables consenties aux entreprises concurrentes par le contractant.

[1] Ordonnance n°2019-359 du 24 avril 2019 portant refonte du titre IV du livre IV du code de commerce relatif à la transparence, aux pratiques restrictives de concurrence et aux autres pratiques prohibées.

[2] Loi n°2018-938 du 30 octobre 2018 pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous.

[3] Rapport au Président de la République relatif à l’ordonnance n°2019-359 du 24 avril 2019 portant refonte du titre IV du livre IV du code de commerce relatif à la transparence, aux pratiques restrictives de concurrence et aux autres pratiques prohibées.

[4] Ordonnance n°2019-359 du 24 avril 2019, article 5. L’ordonnance ne précise toutefois pas les conditions de son entrée en vigueur s’agissant des pratiques restrictives de concurrence.

[5] Loi n°2005-882 du 2 août 2005 en faveur des petites et moyennes entreprises, loi n°2008-3 du 3 janvier 2008 pour le développement de la concurrence au service des consommateurs, loi n°2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l’économie, loi n°2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation, loi n°2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques et enfin loi n°2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique.

[6] Rapport au Président de la République relatif à l’ordonnance n°2019-359 du 24 avril 2019.

[7] Rapport au Président de la République relatif à l’ordonnance n°2019-359 du 24 avril 2019.

[8] Loi n°2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation.

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