Deux arrêts récents de la Cour de cassation sont venus rappeler un grand principe en matière de transmission universelle du patrimoine, intervenu aussi bien après une dissolution sans liquidation (article 1844-5 du Code civil) qu’après une fusion simplifiée (article L.236-3 du Code de commerce) :

Le droit d’agir en justice de la société absorbée est immédiatement transmis à la société absorbante.

L’effet d’une dissolution sans liquidation d’une société sur les délais d’une procédure d’appel en cours

Le premier arrêt, rendu par la 2e Chambre civile de la Cour de cassation le 20 mai 2021 (Civ. 2, 20 mai 2021, n°20-15.098, Publié au bulletin), se prononce sur l’effet d’une dissolution sans liquidation d’une société sur les délais d’une procédure d’appel en cours.

En l’espèce, une société a interjeté appel d’un jugement rendu par un tribunal de commerce. L’arrêt d’appel rendu a fait l’objet d’une cassation, dont la signification est intervenue le 26 septembre 2017.

Cette société a, depuis lors, fait l’objet d’une dissolution sans liquidation, devenue définitive en date du 22 novembre 2017, aucune opposition n’ayant été formulée dans le délai légal.

La société absorbante, venant au droit de la société absorbée par l’effet de la transmission universelle de patrimoine, a enregistré sa déclaration d’appel le 5 décembre suivant.

Or, elle disposait d’un délai de deux mois à compter de la signification à partie de l’arrêt rendu par la Cour de cassation, soit jusqu’au 26 novembre 2017, pour enregistrer ladite déclaration d’appel au greffe de la juridiction de renvoi (article 1034 du Code de procédure civile, modifié par le décret du 6 mai 2017 (n°2017-891 – c’était 4 mois auparavant !).

Aux termes de sa décision rendue le 20 mai 2021, la 2e Chambre civile a rejeté le pourvoi formé à l’encontre de l’arrêt aux termes duquel la Cour d’appel de renvoi a déclaré irrecevable l’appel enregistré en date du 5 décembre 2017.

La question était la suivante : l’opération de dissolution sans liquidation est-elle une cause d’interruption d’instance ?

L’article 370 du Code de procédure civile dispose que « l’instance est interrompue par :

  • le décès d’une partie dans les cas où l’action est transmissible ; ( … )
  • le recouvrement ou la perte par une partie de la capacité d’ester en justice. »

La Cour de cassation répond, sans détours et avec soin, sur ces deux points :

  1. La dissolution d’une personne morale n’est pas assimilable au décès d’une personne physique. Elle ne constitue donc pas une cause d’interruption d’instance.
  2. La dissolution de la société absorbée entraîne la transmission universelle de son patrimoine à la société absorbante, qui acquiert de plein droit, dès la date de l’assemblée générale ayant approuvé l’opération, la qualité pour poursuivre les instances engagées par la société absorbée.

Il n’existe donc pas de perte de la capacité d’ester en justice, mais simplement un transfert de ladite capacité au profit de la société absorbante.

Ainsi, dès que la transmission universelle de patrimoine devient définitive à la suite de la dissolution sans liquidation de la société absorbée, la société absorbante doit prendre le relais et procéder aux démarches utiles pour poursuivre les procédures en cours, y compris le dépôt d’une déclaration d’appel dans le délai légal, et ce, alors même que la signification qui fait courir le délai a été réalisée auprès de la société absorbée.

Cet arrêt est publié au bulletin, la Cour ayant souhaité mettre en exergue cette solution.

La transmission de la qualité à agir de la société absorbante dès la réalisation définitive de l’opération de fusion simplifiée

Le deuxième arrêt, rendu par la Chambre commerciale de la Cour de cassation le 7 juillet 2021 (Com. 7 juillet 2021, n°19-11.906, non publié), se prononce sur la transmission de la qualité à agir de la société absorbante dès la réalisation définitive de l’opération de fusion simplifiée.

En l’espèce, une société absorbante avait assigné une personne physique, caution solidaire d’un prêt consenti par la société absorbée (à la suite d’une cession de créance entre deux établissements bancaires).

Le débiteur soutenait devant la Cour d’appel que la fusion simplifiée intervenue entre la société absorbée et la société absorbante, entraînant la transmission universelle de patrimoine au profit de la société absorbante, ne lui était pas opposable dès la date de réalisation définitive de l’opération, faute d’avoir fait l’objet d’une publication légale.

La Cour d’appel a retenu cette argumentation au motif que la société absorbante n’aurait justifié d’aucune publication de la fusion simplifiée, rendant inopposable l’opération au débiteur.

En prononçant la cassation de cet arrêt, la Haute juridiction rappelle, le principe selon lequel, par l’effet de la transmission universelle de patrimoine, la société absorbante dispose, de plein droit, dès la date de l’assemblée générale approuvant l’opération, la qualité d’agir en justice, venant ainsi aux droits de la société absorbée.

Au-delà du fait que la Cour d’appel n’avait pas tenu compte des pièces démontrant le dépôt au greffe du Tribunal de commerce compétent, en temps utile, du procès-verbal de l’assemblée générale approuvant l’opération, la Cour de cassation considère que la transmission universelle de patrimoine était intervenue de plein droit du fait de l’assemblée générale approuvant l’opération.

Il en résultait que la société absorbante disposait de la qualité pour agir en paiement contre le débiteur de la société absorbée, ayant reçu par la transmission universelle de patrimoine la créance de ce dernier.

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