De jurisprudence constante, le salarié peut prendre acte de la rupture de son contrat de travail en raison de manquements qu’il reprocherait à son employeur.

Saisi par le salarié, le juge doit alors se prononcer sur l’imputabilité de la rupture et juger si les manquements de l’employeur étaient ou non suffisamment graves pour justifier la rupture aux torts de celui-ci.

Le salarié qui a pris acte de la rupture de son contrat de travail doit rapporter la preuve de manquements faisant obstacle à la poursuite de son contrat de travail (Cass. soc. 30 mars 2010, n°08-44.236).

Cette rupture produit les effets soit :

  • D’un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués justifient la prise d’acte,
  • Soit, dans le cas contraire, d’une démission.

En cas d’échec de l’action judiciaire du salarié, celui-ci est considéré comme démissionnaire et est susceptible d’encourir une condamnation à indemniser son employeur au titre du préavis non effectué.

La Cour de cassation a été récemment saisie par le conseil de prud’hommes de Nantes de la question de l’articulation du mécanisme de la prise d’acte de la rupture avec l’article 1226 du Code civil, ayant trait à la résiliation unilatérale d’un contrat, qui prévoit que :

« Le créancier peut, à ses risques et périls, résoudre le contrat par voie de notification. Sauf urgence, il doit préalablement mettre en demeure le débiteur défaillant de satisfaire à son engagement dans un délai raisonnable.

La mise en demeure mentionne expressément qu’à défaut pour le débiteur de satisfaire à son obligation, le créancier sera en droit de résoudre le contrat.

Lorsque l’inexécution persiste, le créancier notifie au débiteur la résolution du contrat et les raisons qui la motivent.

Le débiteur peut à tout moment saisir le juge pour contester la résolution. Le créancier doit alors prouver la gravité de l’inexécution ». 

La résiliation unilatérale, dont la jurisprudence avait admis le principe avant même la réforme du droit des contrats, paraît être au cœur de la prise d’acte de la rupture.

Le contrat de travail étant naturellement un contrat, il était donc légitime de s’interroger sur l’application de ces conditions au mécanisme de la prise d’acte de la rupture.

Surtout que l’article 1226 du Code civil impose, de façon plus rigoureuse encore que la jurisprudence ne le faisait déjà en matière de résiliation unilatérale :

  • Une mise en demeure préalable du débiteur défaillant,
  • Une notification de la résolution et des raisons qui la motivent.

Le conseil de prud’hommes de Nantes a donc naturellement été conduit à saisir la Cour de cassation de la question suivante : le salarié doit-il mettre en demeure son employeur préalablement à sa décision de prise d’acte ?

Dans un avis en date du 3 avril 2019 (Cass. avis, 3 avril 2019, n° 15003), la Cour de cassation a répondu par la négative :

« Les modes de rupture du contrat de travail, à l’initiative de l’employeur ou du salarié, sont régis par des règles particulières, et emportent des conséquences spécifiques, de sorte que les dispositions de l’article 1226 du code civil ne leur sont pas applicables ».

Ce faisant, à notre sens, la Cour ne s’est pas seulement prononcée sur la question de savoir si une mise en demeure préalable était requise.

En effet, par sa formulation très générale, elle a exclu l’application de l’article 1226 du Code civil en cas de prise d’acte de la rupture de son contrat de travail par un salarié.

Elle a ainsi également exclu de ce fait la nécessité pour le salarié de notifier à son employeur les raisons de sa prise d’acte.

Cette position apparaît dans le prolongement de la jurisprudence qui estimait que la lettre de prise d’acte ne fixe pas les limites du litige (Cass. soc., 29 juin 2005, n° 03-42.804, Cass. soc., 24 janv. 2007, n° 05-41.670, Cass. soc., 10 févr. 2010, n° 08-43.138, Cass. soc., 9 juill. 2014, n° 13-15.892).

Au vu de cet avis, il n’apparaît par conséquent pas que puisse davantage être critiquée, même après l’entrée en vigueur de la réforme du droit des contrats, une prise d’acte de la rupture n’ayant pas été précédée d’une mise en demeure ou ayant été réalisée au moyen d’un courrier n’ayant pas énoncé les manquements reprochés à l’employeur.

Il ne s’agit certainement pas de la dernière des questions que pose la réforme du droit des contrats même en matière sociale …

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