Mise en garde de la caution et réforme des sûretés
Cour d’appel de Grenoble, 1ère ch., 18 janvier 2022, n°20/00621
Appliquant le droit antérieur à la réforme du droit des sûretés issue de l’ordonnance n°2021-1192 du 15 septembre 2021, la cour d’appel de Grenoble a sanctionné un établissement bancaire ayant manqué à son obligation de mise en garde vis-à-vis d’un couple d’emprunteurs non avertis au regard de leurs capacités financières et du risque d’endettement excessif né de l’octroi du prêt.
Dans cette affaire, l’un des emprunteurs s’était également engagé en qualité de caution au profit de sa SCI, de sorte que le cumul des engagements excédait les capacités financières des époux.
L’établissement bancaire a été condamné à payer aux emprunteurs des dommages et intérêts sur le fondement de la perte de chance de ne pas souscrire ce prêt, évaluée en l’espèce à 50%.
La solution sera logiquement différente à l’avenir en raison de l’entrée en vigueur depuis le 1er janvier 2022 de la réforme issue de l’ordonnance numéro 2021-1192 du 15 septembre 2021 qui, sans en bouleverser le régime, opère une refonte d’ensemble des dispositions du Code civil relatives au cautionnement.
Si les éléments essentiels du régime juridique du cautionnement sont conservés, le texte innove sur certains points et apporte notamment certaines modifications s’agissant de la sanction applicable lorsque le créancier professionnel manque à son devoir de mise en garde ou en cas de cautionnement disproportionné.
L’obligation de mise en garde de la caution personne physique
S’agissant des cautionnements conclus à compter du 1er janvier 2022, l’ordonnance du 15 septembre 2019 a fait disparaître la distinction entre cautions « avertie » et « profane » afin de réduire le risque de contentieux : le devoir de mise en garde pesant sur le créancier professionnel bénéficie désormais à l’ensemble des cautions personnes physiques.
Aux termes du nouvel article 2299, al. 1er du Code civil, le créancier professionnel est tenu de mettre en garde la caution personne physique sur l’insuffisance des capacités financières du débiteur principal.
S’agissant de la sanction, le créancier qui manquait, avant cette réforme, à son devoir de mise en garde engageait sa responsabilité contractuelle à l’égard de la caution pour lui avoir fait perdre la chance de ne pas s’engager. La compensation entre les sommes dues au créancier et les dommages-intérêts auxquels il était condamné pouvait être ainsi ordonnée.
Depuis le 1er janvier 2022, l’ordonnance est venue substituer une déchéance à cette action en responsabilité : la caution sera ainsi libérée de son engagement à hauteur de son préjudice, étant précisé que celui-ci consiste en une perte de chance de ne pas s’engager.
Avec ce mécanisme de la déchéance, il est fait l’économie d’une condamnation du créancier au paiement de dommages et intérêts destinés à se compenser avec la dette de la caution. Désormais, l’extinction partielle de l’engagement de la caution est directe.
Proportionnalité du cautionnement
L’ordonnance du 15 septembre 2021 a abrogé les textes du Code de la consommation interdisant à un créancier professionnel de se prévaloir du cautionnement manifestement disproportionné à son patrimoine lors de sa conclusion, pour leur substituer le nouvel article 2300 dans le Code civil.
Ce nouvel article consacre l’exigence de proportionnalité du cautionnement donné par une personne physique à l’égard d’un créancier professionnel.
Lorsqu’au moment où il a été donné, un tel cautionnement était « manifestement disproportionne aux revenus et au patrimoine de la caution », il sera automatiquement réduit à hauteur du montant auquel elle pouvait effectivement s’engager.
La sanction nouvelle est davantage conforme à la finalité de la règle : à une décharge totale de la caution, au fort caractère punitif pour le créancier, est substitué une réduction de son engagement, qui remplit parfaitement l’objectif de prévention du surendettement du garant.
A cet égard, il peut être regretté que n’ait pas été conservée la règle du retour à meilleure fortune, selon laquelle un cautionnement initialement disproportionné échappait à toute sanction si, en raison de l’évolution de la situation patrimoniale de la caution, il ne l’était plus au moment où il était mis en œuvre.
Désormais toute disproportion manifeste initiale du cautionnement le condamnera irrémédiablement à une réduction, quand bien même l’engagement serait devenu supportable pour la caution.
Fanny Hurreau
Avocate associée
Avocate au barreau des Hauts-de-Seine. Fanny a intégré le cabinet fraîchement diplômée et y est devenue en moins de 10 ans associée. Elle y apprécie ses valeurs humaines et aime défendre avec subtilité les intérêts de ses clients.