En l’espèce, le 19 février 2021, la société ITM AI (filiale de la société ITM entreprise propriétaire des enseignes Intermarché et Netto) est assigné par le Ministre de l’économie, des finances et de la relance devant le tribunal de commerce pour pratiques commerciales déloyales.
Constatant que l’assignation qui lui est délivrée contient des informations sensibles et qu’elle est en voie d’être également délivrée à la société AgeCore, une centrale d’achat dont ITM AI est actionnaire à 16% (les autres actions étant détenues par des concurrents), ITM AI assigne le Ministre en référé d’heure à heure aux fins de dire :
- que l’assignation contient des informations confidentielles relevant du secret des affaires,
- que leur divulgation lui causerait un dommage grave et irréversible,
- qu’il est ainsi nécessaire de caviarder les informations confidentielles.
Déboutée en première instance, la société ITM AI interjette appel de l’ordonnance.
La Cour d’appel procède alors par étape, divers enseignements pouvant être tirés de son analyse.
Sur les données dont la protection est demandée
Rappelant la définition de secret des affaires de l’article L151-1 du Code de commerce, la Cour d’appel étudie dans un premier temps les données présentes dans l’assignation et dans les pièces produites à son appui. Il s’agit notamment d’informations chiffrées sur les montants facturés, sur le nombre de contrats signés avec les fournisseurs, sur les réductions obtenues par ITM AI auprès des fournisseurs, d’extraits de contrats cadres, d’un tableau présentant des volumes de commandes, des politiques commerciales, des conventions annuelles, des procès-verbaux de déclarations de fournisseurs comportant des éléments chiffrés, etc.
Selon la Cour d’appel, ces informations sont « manifestement non publiques, non aisément accessibles et datent de moins de 5 années de sorte qu’elles sont suffisamment récentes pour demeurer sensibles et stratégiques d’un point de vue commercial et concurrentiel ». Pour les pièces produites, la Cour relève qu’elles sont par ailleurs couvertes par des clauses de confidentialités, les parties ayant entendu les protéger. Selon les juges d’appel, ces données relèvent donc du secret des affaires.
On note ici que :
- les nombreuses informations économiques et commerciales pouvant être considérées comme sensibles ;
- le caractère récent des documents retenu pour confirmer la valeur commerciale de l’information ;
- l’importance d’insérer des clauses de confidentialité dans ses contrats pour confirmer leur caractère secret.
Sur les mesures préventives demandées
Le Ministre indiquait dans un premier temps que le secret des affaires ne pouvait pas lui être opposé puisque les informations ont été obtenues dans l’exercice de son pouvoir d’enquête (se fondant ainsi sur l’article L151-7 et L151-7 du Code de commerce).
La Cour d’appel relève de son côté que le secret n’a pas été opposé au Ministre par la société ITM AI puisqu’il a pu obtenir communication des informations en cause, mais que ce secret doit être opposé aux autres parties. A ce titre, la Cour d’appel considère que le Ministre ne peut transmettre ces informations sans avoir pris des mesures protectrices.
Le Ministre soutenait ensuite que les mesures qui pouvaient lui être demandées porteraient de graves atteintes au droit de la défense.
Si la Cour d’appel acquiesce à cela, elle préconise des mesures provisoires. Elle impose alors de ne remettre à la société AgeCore qu’une version de l’assignation et des pièces expurgée de l’ensemble des données confidentielles (les données sensibles devront ainsi être caviardées).