La rupture brutale des pourparlers n’avait pas pour origine une perte de confiance à l’égard de la candidate franchisée, mais plutôt le refus de cette dernière de modifier la localisation de la zone réservée.
Cour d’appel de Nîmes, 4ème chambre commerciale, 1er décembre 2021, n°19/04575
Dans un arrêt du 1er décembre 2021, la Cour d’appel de Nîmes confirme la condamnation d’un franchiseur sur le fondement de la rupture brutale des pourparlers, dans le cadre de contrats de réservation de zones non suivis par la conclusion d’un contrat de franchise.
Dans cette affaire, un franchiseur avait conclu avec une candidate, deux contrats de réservation successifs, d’une durée respective de six mois.
Au terme de ces contrats, une zone recouvrant plusieurs communes aux alentours de la ville de Nîmes avait été réservée au profit de la candidate.
Pendant la période précontractuelle, soit pendant plus d’un (1) an, étaient notamment intervenus :
- la signature d’un Document d’information précontractuel (DIP) ;
- l’achèvement de travaux de gros œuvre en vue de l’implantation d’un point de vente, sur la base de plans validés par le franchiseur et modifiés à la demande de celui-ci ;
- la communication à la candidate du contrat de franchise ayant vocation à être signé et d’une date de signature pour mai 2018, l’ouverture du magasin étant prévue pour le mois d’août.
Ce contrat de franchise ne devait toutefois jamais être conclu, le franchiseur ayant reçu d’un de ses franchisés, un projet d’implantation d’ un point de vente dans une des zones réservées par la candidate.
Après avoir proposé, en vain, à cette dernière de déplacer une partie de cette zone afin de permettre à son franchisé d’ ouvrir un second point de vente, le franchiseur notifiait à la candidate « l’impossibilité » d’ouvrir le point de vente escompté.
Après une mise en demeure restée infructueuse, la candidate engageait la responsabilité du franchiseur, pour violation des engagements pris dans les contrats de réservation de zone, ainsi que dans le contrat de franchise et son avenant non régularisés.
Le Tribunal de commerce de Nîmes ayant accueilli partiellement ces demandes, la candidate et la société civile constituée aux fins d’exploiter le point de vente, interjetaient appel du jugement intervenu le 4 décembre 2019.
Le franchiseur avançait pour sa part que l’absence de signature du contrat de franchise était liée au comportement de la candidate, avec laquelle il avait rencontré des difficultés dans le cadre des négociations, et qui avait entraîné une « perte de confiance » justifiant l’absence de signature du contrat de franchise.
Il rappelait en outre qu’il n’était pas contraint de signer le contrat de franchise, en s’appuyant notamment sur une clause des contrats de réservation l’autorisant à ne pas donner suite à la demande d’intégration dans le réseau de franchise, sous réserve de la restitution de la somme versée par la réservataire.
Ces arguments ne sont pas suivis par la Cour d’appel de Nîmes qui, dans son arrêt du 1er décembre dernier, considère que, la société du franchiseur a fait preuve d’une particulière mauvaise foi en mettant un terme aux pourparlers deux mois avant l’ouverture du magasin, alors qu’elle avait adressé à la candidate le contrat de franchise et son annexe pour signature, et alors même qu’elle ne justifiait d’aucun motif légitime et que cette rupture brutale répondait implicitement au refus opposé par l’intimée de procéder à un changement de zone.
Ainsi, la Cour retient que la rupture brutale des pourparlers n’avait pas pour origine une perte de confiance à l’égard de la candidate franchisée, mais plutôt le refus de cette dernière de modifier la localisation de la zone réservée.
Cette décision est intéressante à plus d’un titre.
Il en ressort en effet que :
- La conclusion d’un contrat de réservation de zone engage le franchiseur, les zones réservées ne pouvant être remises en question de manière unilatérale.
- Le refus injustifié de conclure un contrat de franchise à l’issue d’un contrat de réservation de zone, à un stade avancé des négociations, peut caractériser une rupture abusive des pourparlers.
- La société constituée par le candidat peut être jugée recevable à demander la réparation de son préjudice.
- L’indemnisation demandée ne peut cependant être accordée que pour les préjudices nés exclusivement de la rupture abusive des pourparlers. Ainsi , le préjudice indemnisable au n’inclut pas la perte de chance de contracter avec des tiers, ni les dépenses d’investissement et d’aménagement du local (frais d’architecte, achat de matériel, etc…), s’agissant de « travaux généraux utiles à l’exploitation d’un magasin et non spécifiques à la franchise proposée » .
Nul doute que cette décision sera à garder à l’esprit des franchiseurs et des (futurs) franchisés, s’agissant des contrats encadrant la période préalable à la signature de contrats de franchise.
Laurence Kouassi – Avocate, Besser Donat – Stagiaire