La loi n°2014-856 du 31 juillet 2014 relative à l’économie sociale et solidaire (loi « ESS ») crée au profit des salariés un droit d’information préalable à toute cession de fonds de commerce, parts sociales, actions ou valeurs mobilières donnant accès à la majorité du capital. Ce dispositif vise à permettre aux salariés de présenter une offre de reprise. Le décret n°2014-1254 pris le 28 octobre 2014 précise le champ d’application de cette obligation, la notion de cession, les modalités d’information des salariés ainsi que les droits et obligations des salariés.
Ce texte est applicable aux cessions conclues à compter du 1er novembre 2014. Ces dispositions ne sont toutefois pas applicables aux cessions intervenues à l’issue d’une négociation exclusive lorsque le contrat de négociation a été signé avant le 1er novembre 2014 (Art. 2 du décret n°20141254).
I. Champ d’application (personnel et matériel)
De manière générale, le dispositif instauré par la loi ESS s’impose dans les entreprises commerciales de moins de 250 salariés. Il faut distinguer les entreprises de moins 50 salariés, qui ne sont pas tenues de mettre en place un comité d’entreprise (Art. L.141-23 du Code de commerce) et les sociétés de moins de 250 salariés qui relèvent de la catégorie des petites et moyennes entreprises. Les salariés de ces entreprises bénéficient du droit à l’information en cas de transmission de :
- fonds de commerce (Art. L.141-23 et L.141-28 du Code de commerce)
- participation représentant plus de 50% des parts sociales d’une société à responsabilité limitée (Art. L.23-10-7 du Code de commerce)
- valeurs mobilières ou actions donnant accès à la majorité du capital d’une société par actions (Art. L.23-10-7 du Code de commerce)
Le terme transmission vise notamment les ventes, les dations en paiement, les donations, les transactions les fiducies, échanges ou apport en société. Le texte n’est pas applicable en cas de succession, liquidation du régime matrimonial, cession du fonds à un conjoint, à un ascendant ou à un descendant et dans les entreprises faisant l’objet d’une procédure de conciliation, de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaires.
II. Les modalités d’information
L’information est transmise par tous moyens de nature à rendre certaine sa date de réception (Art. L.141-25, L.141-30, L.23-10-3 et L.23-10-9 du Code de commerce). Le décret n°2014-1254 précise que cette information peut notamment être transmise par courrier électronique ou acte extrajudiciaire.
A. Le contenu de l’information
L’information porte sur deux éléments, à savoir sur l’intention de céder et sur le fait que les salariés peuvent présenter une offre d’achat.
B. Les destinataires de l’information
Dans les entreprises de moins de cinquante salariés, le propriétaire du fonds de commerce ou des parts sociales ou actions informe l’exploitant du fonds ou le représentant légal de l’entreprise lequel informe sans délai les salariés. Lorsque le propriétaire est lui-même exploitant, il informe directement les salariés (Art. L.14123 et L.23-10-1 du Code de commerce). Cette information doit être transmise au plus tard deux mois avant la cession.
Dans les entreprises de plus de cinquante salariés, le propriétaire doit transmettre l’information au plus tard au moment où le comité d’entreprise est informé et consulté sur le projet sur de cession (Art. L.141-28 et L.23-10-7 du Code de commerce). Lorsque le comité d’entreprise n’a pas été mis en place, la procédure est applicable identique à celle des entreprises de moins de 50 salariés.
III. Les droits et obligations des salariés
Les salariés sont tenus à une obligation de discrétion dans les mêmes conditions que les membres du comité d’entreprise. Les salariés peuvent toutefois se faire assister par des représentants de la chambre régionale de commerce et d’industries ou de la chambre des métiers et de l’artisanat territorialement compétentes. Le Code de commerce prévoit également que les salariés peuvent aussi se faire assister par toute personne désignée par les salariés dans des conditions définies par décret. Selon le guide pratique du ministère de l’économie, les salariés peuvent notamment se faire assister par un professionnel du conseil.
Le dispositif vise seulement à permettre aux salariés de présenter une offre de rachat. En conséquence, lorsqu’ils présentent effectivement une offre, le cédant est libre d’entrer ou pas en négociation avec ces salariés.
IV. La cession
A. Délai minimal
Dans les entreprises de moins de 50 salariés, la cession autrement dit, le transfert de propriété ne peut intervenir avant l’écoulement d’un délai de deux mois à compter :
- de la notification de l’information aux salariés lorsque le cédant est exploitant du fonds ou représentant légal
- de la notification de l’information à l’exploitant ou au représentant légal, lorsque le cédant n’est pas exploitant
La cession peut intervenir avant l’expiration de ce délai si les salariés font connaître au cédant leur intention de ne pas présenter d’offre.
Dans les entreprises de plus de 50 salariés, aucun délai minimal n’a été fixé.
B. Délai maximal
Dans les entreprises de moins de 50 salariés, la cession doit intervenir dans un délai maximal de deux ans à compter de la date à laquelle la cession est autorisée. Dans les autres entreprises, lorsque le comité d’entreprise est saisi, ce délai de deux ans est suspendu entre la date de saisine du comité et la date où il rend son avis et à défaut, la date d’expiration du délai pour rendre l’avis. A défaut, le cédant est tenu d’informer à nouveau les salariés.
V. Les voies de recours du salarié
A défaut d’information, en cas d’information tardive ou lorsque l’information est incomplète, tout salarié peut demander l’annulation de la cession. Les salariés disposent d’un délai de deux mois à compter de la publication de l’avis de cession du fonds pour agir.
Morgan Jamet
auteur
avocat associé
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