L’année 2021 marquera sans nul doute un tournant dans le combat de la Cour de Cassation en faveur du renforcement de la protection des assurés face aux mécanismes du droit des assurances qui ont pour effet de limiter, sinon d’anéantir leur droit à indemnisation, dans des situations où ils ont pourtant payé une prime et subi un sinistre qu’ils pensaient être couvert.

On le sait, une immense partie du contentieux de l’assurance découle des difficultés entourant d’application des clauses d’exclusion, régies notamment par les articles L.112-4 et L.113-1 du code des assurances, et de la prescription biennale, prévue par l’article L.114-1 du code des assurances.

En trois actes, la Cour de Cassation vient de démontrer sa détermination à améliorer la condition des assurés. Retour sur les faits.

Élargissement des effets de l’inopposabilité des exclusions

Élargissement des effets de l’inopposabilité des exclusions qui ne sont ni formelles, ni limitées

Jusqu’à une époque récente, la situation était la suivante : pour être valablement opposable à un assuré, l’exclusion de garantie invoquée par l’assureur, rédigée en caractère très apparents, devait en outre être formelle et limitée , ce qui impliquait entre autres choses qu’elle ne nécessite pas d’interprétation pour être comprise par l’assuré malheureux (Cass. Civi. 2ème, 26 novembre 2020, pourvoi n°19-16.435), sous peine d’être réputées non-écrites.

Dans le cas des clauses comportant plusieurs exclusions, qui sont les plus nombreuses en pratique, il était en revanche admis que la sanction de l’inopposabilité n’était applicable que si l’exclusion effectivement invoquée par l’assureur pour refuser sa garantie, était atteinte d’un vice, ce qui n’était pas le cas lorsque c’était une autre exclusion, figurant dans la même clause, qui n’était ni formelle ni limitée.

C’est ce paradigme que la Cour de Cassation a renversé, en jugeant qu’il importait peu qu’une clause d’exclusion énumère de façon formelle et limitée les pathologies exclues de la garantie, dès lors que l’une d’entre elles, qui n’était même pas évoquée par l’assureur (en l’occurrence, le « mal de dos ») n’était ni formelle ni limitée (Civ. 2ème, 17 juin 2021, pourvoi n°19-24.467).

En pratique, il devient ainsi possible de faire écarter une exclusion alors même qu’elle serait parfaitement formelle et limitée !

Renforcement de l’exigence relative au caractère « très apparent »

Renforcement de l’exigence relative au caractère « très apparent » des clauses édictant des nullités, déchéances et exclusions

Aux termes d’une abondante jurisprudence, l’exigence de l’article L.112-4 du code des assurances relative au caractère très apparent avait fini par être interprétée comme imposant aux assureurs de reproduire les clauses édictant des nullités, déchéances et exclusions de façon à ce qu’elles se « démarquent » visuellement par rapport aux autres. Il était ainsi recommandé de les faire figurer en caractère gras, surligné ou en lettres majuscules, dès lors que les autres clauses du contrat n’empruntaient pas cette typographie et qu’il existe ainsi un effet de « contraste ».

Aux termes d’un arrêt qui aurait presque pu passer inaperçu (Cass. Civ., 14 octobre 2021, pourvoi n°20-11.980), la Cour de Cassation vient cependant de juger que le caractère « très apparent » d’une clause soumise à l’article L.112-4 du code des assurances devait être assimilé à l’obligation « d’attirer spécialement l’attention de l’assuré sur la nullité qu’elle édictait », dans une affaire où la clause litigieuse avait été reproduite en caractères gras, au contraire, semble-t-il, des autres clauses du contrat, ce qui semble condamner les procédés dont l’effet est seulement de produire un effet de « contraste ».

La tentative de remise en cause de la prescription biennale

La tentative de remise en cause de la prescription biennale de l’article L.114-1 du code des assurances.

C’est l’article 25 de la loi du 13 juillet 1930 (dite loi « Godart ») qui a soumis les actions dérivant du contrat d’assurance (terrestre) à la prescription biennale, en raison, à l’époque, du fardeau qu’aurait représenté pour les assureurs l’archivage des contrats pendant le délai de droit commun, qui était encore de dix ans à l’égard des commerçants. Cette prescription figure aujourd’hui à l’article L.114-1 du code des assurances.

Le 7 octobre 2021 dernier, la Cour de Cassation a décidé de transmettre une question prioritaire de constitutionnalité, ainsi formulée :

« l’article L.114-1 du code des assurances est-il contraire au principe d’égalité devant la justice (…) dès lors qu’il soumet les actions dérivant du contrat d’assurance engagées par des assurés non professionnels à l’encontre de leur assureur à un délai de prescription de deux ans alors que, dans les autres contrats, les actions introduites par les consommateurs à l’encontre des professionnels sont soumises au délai quinquennal de droit commun prévu à l’article 2224 du code civil ? « .

Si la réponse du Conseil Constitutionnel est difficile à prédire, il demeure que le message envoyé aux assureurs est clair, ainsi que certaines décisions l’ont récemment illustré (par exemple, Cass. Civ. 2ème, 18 avril 2019, pourvoi n°18-14.404, affirmant l’obligation de reproduire dans le contrat les causes ordinaires d’interruption de la prescription sous peine d’inopposabilité de celle-ci) !

Conclusion :

Inopposabilité des exclusions pourtant formelles et illimitées, renforcement de l’obligation d’attirer l’attention de l’assuré sur les nullités, déchéances et autres exclusions, remise en cause de la prescription biennale…l’étau continue de se resserrer sur les assureurs, déjà obligés en 2020 de financer, hors contrat, une partie des conséquences financières de la crise sanitaire, leurs contrats n’ayant pas vocation à garantir les risques pandémiques ».

Jefferson Larue, avocat associé

Jefferson Larue

Jefferson Larue

auteur

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