Le « prix » est longtemps demeuré dans l’inconscient juridique l’un des éléments essentiels nécessaires à la formation du contrat à titre onéreux. La réforme du droit des contrats rompt avec une telle conception au profit d’une nouvelle catégorie de contrats, celle des contrats dits de prestation de service.

Le nouvel article 1165 du Code civil dispose en effet : « Dans les contrats de prestation de service, à défaut d’accord des parties avant leur exécution, le prix peut être fixé par le créancier, à charge pour lui d’en motiver le montant en cas de contestation. En cas d’abus dans la fixation du prix, le juge peut être saisi d’une demande en dommages et intérêts »

Il résulte implicitement de la règle ainsi posée :

  • d’une part, que les contrats dits de prestation de service peuvent être formés, sauf disposition spéciale propre à un type de contrat qui rentrerait dans une telle catégorie, par un accord des parties qui ne porterait pas sur le prix ;
  • d’autre part, que dans une telle hypothèse, à défaut de disposition légale ou contractuelle qui prévoirait un autre mode de fixation du prix, celui-ci pourrait être déterminé unilatéralement par le créancier.

Un tel principe emporte des conséquences fortes dans la mesure où il confère au créancier le pouvoir d’imposer à l’autre partie le prix de la prestation dès lors que le contrat aura commencé à être exécuté, ce qui ne semble d’ailleurs pas signifier qu’il soit nécessaire que la prestation du créancier ait, elle, commencé à être fournie, puisque ce que ce n’est pas à ce fait qu’est rattachée la faculté précitée.

Au regard de ce qu’il n’est absolument pas rare, en pratique, et au contraire même fréquent, que les parties puissent être considérées comme étant liées par un contrat à défaut de tout écrit le formalisant et que l’exécution de celui-ci puisse avoir commencé sans que la problématique du prix n’ait été finalisée, cette nouvelle disposition est de nature à venir s’appliquer dans de telles hypothèses à l’avantage du créancier et au détriment du débiteur.

Un tel mécanisme n’est pas dénué de pertinence dans la mesure où il a vocation à jouer dans des situations où il pourrait être considéré que le prix n’a pas été une condition déterminante du consentement des deux parties, en tout cas du débiteur, puisque celui-ci n’a pas pris le soin d’en convenir avec le créancier avant l’exécution du contrat.

Il pourrait d’ailleurs être déduit de cette disposition une forme de garantie du respect de l’obligation de se comporter de bonne foi, puisqu’elle tendrait à empêcher le débiteur, une fois l’exécution du contrat commencée voire même achevée, d’exercer un pouvoir de discussion du prix à l’égard du créancier qui, lui, serait dans une situation où il ne disposerait plus de la possibilité de ne pas fournir la prestation si le prix ne lui convient pas.

Mais le mécanisme, permet tout autant l’abus du créancier, qui pourrait commencer l’exécution du contrat pour imposer ensuite le prix au débiteur voire imposer à celui-ci un prix que celui-ci n’aurait pas accepté s’il l’avait connu avant l’exécution.

Or la limite du pouvoir conféré au créancier, si elle existe, puisqu’il doit d’une part être en mesure de motiver le prix et s’expose en cas d’abus au paiement de dommages-intérêts, ne paraît pouvoir être mise en œuvre en dehors d’une instance judiciaire.

Et elle induirait la démonstration d’un abus qui, s’agissant de la détermination du prix, aurait vocation à faire jouer au juge un rôle difficile puisque revenant à apprécier ce que devrait être le prix normal d’une prestation.

Sachant enfin que le mode de réparation serait l’octroi de dommages intérêts et non la remise en cause du prix.

L’application de l’article 1165 du Code civil recèle donc potentiellement pour le débiteur du paiement du prix un pouvoir conféré au créancier qui peut être redoutable.

La difficulté étant d’appréhender avec précision ce qu’aura vocation à être le champ d’application de cette disposition, défini comme celui des contrats dits de « prestation de service », catégorie qui renvoie davantage à une vision économique que juridique.

Si le contrat d’entreprise ou de louage d’ouvrage paraît incontestablement au cœur d’une telle notion, il ne peut être affirmé qu’elle si limiterait.

A titre d’exemple, certains autres contrats nommés, tels le mandat et ses déclinaisons, ne peuvent-ils être considérés comme en faisant partie ? Et que dire des contrats, complexes, qui comporteraient de façon partielle une « prestation de service » ?

Une nouvelle fois, le juriste doit apprécier l’opportunité de prévenir l’application d’une telle disposition issue de la réforme du droit des contrats et prévoir le cas échéant le mécanisme adapté à la relation contractuelle dont il aura à connaître pour prévenir les incertitudes mises en exergue.

Morgan Jamet

Morgan Jamet

auteur

avocat associé

Laurence Kouassi

Laurence Kouassi

auteur

avocate

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