L’article 1223 du Code civil dispose : « Le créancier peut, après mise en demeure, accepter une inexécution imparfaite du contrat et solliciter une réduction proportionnelle du prix.
S’il n’a pas encore payé, le créancier notifie sa décision de réduire le prix dans les meilleurs délais ».
Une première analyse, conceptuelle, met en évidence une rupture forte de notre droit avec son esprit d’origine, puisque l’article 1223 ajoute, en ce qui concerne le traitement de l’inexécution, à la réparation des conséquences dommageables en résultant, une possible réfaction du prix, les deux sanctions pouvant au demeurant se cumuler.
Il pourrait s’agir d’une révolution dans notre droit puisque jusqu’à présent, à défaut de démonstration de conséquences dommageables attachées à la commission d’une faute dans l’exécution des obligations et donc de l’allocation de dommages-intérêts, une partie ne pouvait remettre en cause l’équilibre financier du contrat, hormis dans quelques rares matières.
Or l’article 1223 du Code civil consacre désormais cette possibilité en permettant à une partie, se prévalant d’un manquement contractuel, de solliciter une réfaction du prix, et corrélativement au juge qui serait saisi de l’application dudit article d’effectuer celle-ci.
Étant précisé que la notion de prix doit manifestement être considérée comme représentant la contrepartie financière d’une obligation, ce qui a pour conséquence qu’il s’agit d’une sanction qui pourrait être mise en œuvre dans tout type de contrat comportant une telle contrepartie.
Un examen plus pragmatique, amène à des interrogations quant à la mise en œuvre concrète de ce mécanisme, censé pourtant permettre une résolution simplifiée de la difficulté que poserait l’inexécution.
Il apparaît tout d’abord que la réduction de prix aurait vocation à être invoquée dans des hypothèses qualifiées d’inexécution imparfaite.
Il en résulte qu’un tel mécanisme pourra certainement être mis en œuvre sans grosse difficulté au titre des obligations dont le non-respect est aisément mesurable, telles celles portant sur des biens ou services facilement quantifiables ou celles supposant une exécution dans un certain délai de temps.
Mais comment s’appréciera l’imperfection de l’inexécution dès lors que sera en jeu la notion de qualité ou, si la notion d’obligation de moyens a encore un sens, la mise en œuvre de ceux-ci par le débiteur de l’obligation ?
Se pose ensuite la question de savoir comment s’opèrera la corrélation entre le caractère imparfait de l’inexécution et la réduction de prix susceptible d’en résulter. Si l’idée d’une proportionnalité est fort opportunément avancée, elle pourrait en pratique s’avérer bien insuffisante pour permettre de déterminer aisément le montant de la réduction de prix.
La proportionnalité évoque l’idée d’une règle mathématique qui pourrait s’appliquer parfaitement à l’exécution et au prix. Il s’agit cependant certainement d’un mythe, ou d’une approche intellectuellement simpliste.
Le prix est en effet une notion complexe et le droit n’appréhende aucunement ses différentes composantes dont seulement certaines d’entre elles sont susceptibles d’être en lien avec l’inexécution en cause. Or fort logiquement, la proportionnalité mise en avant ne devrait s’appliquer qu’à celles-ci.
Il est fort à craindre que dans les faits, ni les parties, ni le juge, ni même l’expert désigné pour donner un avis technique, ne soient réellement en mesure d’appliquer cette proportionnalité et que la mise en œuvre de cette disposition aboutisse à une bien mauvaise et aléatoire intrusion dans l’équilibre économique du contrat.
S’il est une certitude, c’est que le rédacteur du contrat doit aujourd’hui prendre la mesure de cette nouvelle forme de sanction et, le cas échéant, compte-tenu du caractère en apparence supplétif de l’article 1223 du Code civil, appréhender l’opportunité d’exclure ou d’aménager contractuellement son application.

Morgan Jamet
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