Après une année 2021 marquée par les coups de butoir de la Cour de cassation contre les mécanismes permettant aux assureurs d’être déchargés de leurs obligations de garantie (remise en cause de la prescription biennale, élargissement de l’inopposabilité des exclusions ni formelles ni limitées, renforcement de l’exigence relative au caractère très apparent des clauses d’exclusion), les observateurs s’attendaient à une année 2022 plus calme.

Elle n’en prend pas forcément le chemin. En effet, la Haute Juridiction vient récemment de reprendre ce qui s’apparente désormais à une croisade, en s’attaquant cette fois au mécanisme légal d’exclusion de la faute dolosive.

L’article L.113-1 du code assurances dispose que « l’assureur ne répond pas des pertes et dommages provenant d’une faute intentionnelle ou dolosive de l’assuré ».

Depuis un arrêt du 7 octobre 2008 ayant mis fin à l’assimilation entre faute intentionnelle et faute dolosive, il semblait entendu que la faute intentionnelle exigeait, pour être caractérisée, une volonté de causer le dommage, alors qu’une simple prise de risque rendant inévitable la réalisation du dommage, semblait suffire à caractériser la faute dolosive.

Dans une affaire dans laquelle se posait la question du caractère indemnisable des dommages causés par un acte suicidaire (positionnement sur une voie de chemin de fer, au niveau d’un passage à niveau), la Cour de Cassation a décidé, aux termes d’un arrêt du 20 janvier 2022, de revenir sur la notion de faute dolosive, qu’elle définit à présent comme « un acte délibéré de l’assuré commis avec la conscience du caractère inéluctable de ses conséquences dommageables ».

Autrement dit, il revient dorénavant à l’assureur qui entend opposer la faute dolosive (jusqu’alors plus facile, en principe, à caractériser que la faute intentionnelle), de démontrer que l’assuré ayant commis de façon délibérée l’acte à l’origine des dommages, avait « conscience » du fait que son geste aurait des conséquences matérielles.

L’application de cette définition au cas d’espèce a naturellement conduit la Cour de Cassation à censurer les juges d’appel ayant retenu l’existence d’une faute dolosive alors que n’avait pas été « caractérisé[e] la conscience que l’assurée avait du caractère inéluctable des conséquences dommageables de son geste ».

Ce qui pose la question suivante : par quel moyen l’assureur va-t-il bien pouvoir rapporter une telle preuve ?

Parce que les moyens risquent de manquer, les assureurs n’auraient-ils pas intérêt à insérer dans leurs contrats des clauses d’exclusion visant, tout en la redéfinissant, la faute dolosive ?

C’est précisément ce qu’avait fait l’assureur dans notre affaire, dont le contrat stipulait qu’étaient exclus de sa garantie « les dommages intentionnellement causés ou provoqués par toute personne assurée ou avec sa complicité ».

Ainsi rédigée, une telle exclusion posait la question de savoir ce qu’il faut entendre par « dommages provoqués » et, par exemple, si ceux-ci devaient inclure les dommages provoqués par l’assuré sans l’intention de les causer, comme c’était semble-t-il le cas en l’espèce.

Et c’est là que le bât blesse car ainsi que le rappelle régulièrement la Haute Juridiction, le seul fait qu’une clause d’exclusion ait besoin d’être interprétée suffit à démontrer qu’elle n’est ni formelle, ni limitée, et qu’elle ne peut donc pas recevoir application.

Les assureurs pourraient-ils envisager de délaisser le terrain des exclusions et lui préférer celui, beaucoup moins réglementé, de la définition du risque assuré, de façon à ce que les dommages, mêmes involontaires, causés par un acte délibéré n’entrent pas dans le champ des garanties ?

En principe légale et largement employée par les professionnels de l’assurance, cette pratique n’a pas à ce jour fait l’objet de critiques particulières de la part de la Cour de Cassation. Pas encore….

Jefferson Larue

Jefferson Larue

auteur

avocat associé

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