Depuis près de deux ans, la Cour de cassation n’a cessé de durcir le ton face aux assureurs dans son combat contre les clauses d’exclusion jugées trop larges ou pas assez claires, au visa notamment du premier alinéa de l’article L.113-1 du code des assurances selon lequel « les pertes et les dommages occasionnés par des cas fortuits ou causés par la faute de l’assuré sont à la charge de l’assureur, sauf exclusion formelle et limitée contenue dans la police […] ».
Dans ce cadre, la Haute Juridiction a eu l’occasion de rappeler que le seul fait d’avoir à interpréter une clause d’exclusion la privait du caractère formel et limité pourtant exigé par le code des assurances (Cass. civ. 2e, 26 novembre 2020, pourvoi n°19-16.435).
Plus récemment, la Cour de cassation a posé le principe selon lequel le fait qu’une partie seulement d’une clause d’exclusion ne soit ni formelle, ni limitée, exposait la clause en son entier à l’inopposabilité, alors même que cette partie ne serait pas concernée par le sinistre en litige (Cass. civ. 2e, 17 juin 2021, pourvoi n°19-24.467).
C’est ensuite sur le fondement du second alinéa de l’article L.113-1 du code des assurances, selon lequel « l’assureur ne répond pas des pertes et dommages provenant d’une faute intentionnelle ou dolosive », que la Cour de cassation a agi, en définissant la faute dolosive comme un « acte délibéré de l’assuré commis avec la conscience du caractère inéluctable de ses conséquences dommageables » et en exigeant de l’assureur la preuve de cette conscience (Cass. civ. 2e, 20 janvier 2022, pourvoi n°20-13.245).
Dans un tel contexte, certains observateurs avaient peu de doutes quant à l’issue du litige opposant des assureurs à leurs assurés dans le cadre de la prise en charge des pertes d’exploitation résultant des fermetures administratives de 2020 et 2021 liées à la lutte contre l’épidémie de Covid-19.
Dans le cadre de celui-ci, ces assurés (restaurateurs pour la plupart) bénéficiaient d’une garantie « pertes d’exploitation » applicable en cas de « fermeture administrative » liée à une « épidémie », qui excluait cependant « les pertes d’exploitation, lorsque, à la date de la décision de fermeture, au moins un autre établissement, quelle que soit sa nature et son activité, fait l’objet, sur le même territoire départemental que celui de l’établissement assuré, d’une mesure de fermeture administrative, pour une cause identique ».
Aux termes de quatre arrêts rendus le 1er décembre 2022 (pourvois n°21-19.341, 21-19.342, 21-19.343 et 21-15.392), la deuxième chambre civile vient de confirmer l’opposabilité de cette exclusion de garantie au motif qu’elle est suffisamment claire et limitée.
Les reproches faits à cette clause étaient pourtant nombreux, notamment celui relatif au fait que le terme « épidémie » n’était pas défini par le contrat, rendant ainsi nécessaire d’interpréter ladite clause, ce qui, en application de la jurisprudence de la Cour de cassation, la rendait inopposable au regard des exigences de l’article L.113-1 précité.
En décidant d’abord que le terme « épidémie » était en soi suffisamment explicite et n’avait donc pas besoin d’être défini plus avant, la Haute Juridiction semble fixer une limite à l’exigence de clarté mise à la charge de l’assureur, qui s’annonçait jusqu’ici de nature indéfiniment inflationniste.
Pareillement, en jugeant que l’exclusion des pertes d’exploitation du fait de la fermeture administrative d’au moins un autre établissement situé dans le même département (ce qui, dans le cas de l’épidémie de Covid-19, a été systématique) ne vidait pas la garantie de sa substance, la Cour de cassation semble être revenue à plus d’orthodoxie en reconnaissant le droit pour l’assureur de fixer librement le champ de ses garanties, dès lors que subsiste un risque assurable, ce qui était bien le cas ici puisque la garantie des pertes d’exploitation visait en premier lieu à couvrir l’assuré en cas de contamination limitée à son propre établissement.
Jefferson Larue
auteur
avocat associé
Lily Ravon
auteur
avocate
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