Aux termes de l’article R.112-1 du code des assurances, les polices d’assurance doivent rappeler in extenso les dispositions légales relatives à la prescription des actions dérivant du contrat d’assurance, à savoir les articles L.114-1 et L.114-2 du même code instaurant une prescription biennale.
Cette obligation a été affinée par la Cour de cassation pendant plusieurs années dans un sens favorable aux assurés.
En effet, d’une part, la Haute juridiction a considéré que « les causes ordinaires d’interruption de la prescription » visées à l’article L.114-2 précité devaient être mentionnées dans le contrat[1].
D’autre part, elle a estimé que l’irrespect de ces mentions était sanctionné, non seulement par l’inopposabilité à l’assureur de la prescription biennale, mais également de la prescription de droit commun[2], conduisant l’assuré à une forme d’ « imprescriptibilité ».
La Cour de cassation a même tenté d’obtenir l’inconstitutionnalité de la prescription biennale, jugée trop courte par une partie de la doctrine, en renvoyant au Conseil constitutionnel une question prioritaire de constitutionnalité relative à l’article L.114-1 précité[3].
Ce dernier n’a pourtant pas cédé à ce courant et a validé la conformité de la prescription biennale à la Constitution[4].
C’est dans ce contexte que la Cour de cassation a dû se prononcer sur le pourvoi d’une entreprise à qui l’assureur AXA avait opposé la prescription pour refuser d’indemniser les vols subis par son assurée.
Celle-ci invoquait en effet aux moyens de son pourvoi que la police d’assurance ne mentionnait pas les dispositions de l’article 2243 du code civil selon lequel « l’interruption est non avenue si le demandeur se désiste de sa demande ou laisse périmer l’instance, ou si sa demande est définitivement rejetée ».
Or, conformément à l’article R.112-1 du code des assurances, AXA aurait dû rappeler les dispositions de droit commun de l’article 2243 du code civil, notamment afin de ne pas induire l’assuré en erreur.
La Haute juridiction rejette cependant le pourvoi en considérant que le contrat d’assurance n’est pas tenu de rappeler les dispositions de l’article 2243 du code civil.
Ainsi, elle distingue :
- les causes d’interruption de la prescription ordinaire et biennale, qui doivent être mentionnées dans la police, conformément à une jurisprudence constante en la matière (cf. supra) ; et
- les obstacles à l’interruption de la prescription (ex. article 2243 précité), qui ne doivent pas nécessairement être mentionnés dans la police.
Il s’agit d’une application stricte de la loi dans la mesure où les articles L.114-1 et L.114-2 du code des assurances ne se préoccupent pas des obstacles à l’interruption, à la différence des « causes ordinaires d’interruption » qu’ils citent expressément, raison pour laquelle ils ne doivent pas nécessairement être mentionnés dans la police d’assurance.
Ce faisant, la Cour de cassation semble ici poser des limites bienvenues à l’ « imprescriptibilité » jusque-là défendue par sa jurisprudence.
[1] Cass. 2e civ., 18 avril 2013, n°12-19.519 ; Cass. 2e civ., 21 novembre 2013, n°12-27.124
[2] Cass. 3e civ., 21 mars 2019, n°17-28.021 ; Cass. 2e civ., 24 novembre 2022, n°21-17.327
Lily Ravon
auteur
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